Haiti : Le problème de la diaspora résolu par le Conseil Présidentiel ?

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En Haïti, la société civile, les membres de la diaspora et des médias exigent toujours l’intégration de la diaspora qui constitue un fort pourcentage de la matière grise haïtienne. Constatant ce phénomène, le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) qui n’a pas encore pris service l’a déjà identifié et résolu au niveau de l’accord politique et du décret portant création et fonctionnement du conseil présidentiel. Car, selon un rapport de la Banque Mondiale portant sur les dix pays comptant le pourcentage le plus élevé de citoyens ayant fait des études universitaires vivant à l’étranger, Haïti est le plus grand exportateur de talents au monde avec 84 % (Pierre, et al., 2023). Ce rapport montre la quantité excessive d’Haïtiens compétents qui laissent Haïti en quête d’une vie meilleure dans d’autres pays où les conditions de travail semblent beaucoup plus bénéfiques et respectueuses. Néanmoins, ces Haïtiens ont la ferme conviction qu’uniquement les haïtiens d’origine et de la diaspora puissent aider au développement du pays peu importe leur localisation voire leur attachement à d’autres nationalités pour des raisons d’intégration ou d’épanouissement socioprofessionnel. Delà, les crises chroniques qui prévalent en Haïti exigent l’implication de tous les haïtiens, sans exception, pour faciliter le décollage socioéconomique du pays. C’est dans ces crises sociopolitiques et économiques que le CPT semble vouloir changer l’ordre des choses à la satisfaction de la collectivité diasporique. Car, la diaspora haïtienne qui contribue énormément dans l’économie nationale mérite mieux. Cette diaspora patriotique ne mérite pas mieux dans un soucis de partage d’intérêts mais de préférence pour aider au développement du pays grâce à leurs compétences scientifiques et technologiques. Car, c’est dans les moments de turbulence sociopolitique et économique qu’Haïti peut compter sur ces dignes fils pour faire sa prospérité et sa gloire. Qu’est-ce qui explique la naissance du CPT et quelle est sa composition ? Quels sont les critères, profil et compétences pour être candidat.e au poste de Premier ministre ou de ministre eu égard à l’accord politique et au décret portant création et fonctionnement du conseil présidentiel ? Que pensent la société haïtienne au sujet de l’intégration de la diaspora dans la sphère politique du pays ?

Naissance et composition du Conseil Présidentiel de Transition (CPT)

Alors qu’Haïti fait face à une crise sociopolitique multidimensionnelle, sous la médiation de la Communauté des Caraïbes (CARICOM), une entente est trouvée entre les principaux acteurs sociopolitiques du pays afin de gouverner le pays dans une approche intégrée et consensuelle. Pour ce faire, un conseil présidentiel (CP) de sept (7) membres actifs assisté de deux membres observateurs est constitué. Les désignations des sept membres actifs sont faites par les principaux partis ou plateformes politiques du pays tandis que celles des deux observateurs se font par la société civile et le secteur religieux. Pour beaucoup, les membres du CPT désignés possèdent tous des compétences interdisciplinaires pour aider Haïti à sortir du bourbier dans lequel il perdure.

Face à la crise multidimensionnelle d’Haïti et l’incapacité du dernier gouvernement transitoire dirigé par le premier ministre Ariel Henry à réduire l’insécurité et organiser les élections démocratiques suite à l’assassinat de l’ancien président Jovenel Moïse, la communauté haïtienne réclamait une gouvernance plus ou moins légitime et consensuelle dans le pays. À cet effet, un conseil présidentiel est désigné par les partis politiques et la société civile et religieuse. Ce conseil est composé de neuf membres suivants :

  1. Monsieur Emmanuel Vertilaire, Représentant du Parti Politique Pitit Dessalines et du Réseau National des Paysans ;
  2. Monsieur Fritz Alphonse Jean, Représentant de l’Accord de Montana ;
  3. Monsieur Smith Augustin, Représentante du regroupement politique EDE-RED-Compromis historique ;
  4. Monsieur Leslie Voltaire, Représentant de Fanmi Lavalas ;
  5. Monsieur Laurent St Cyr, Représentant du secteur privé ;
  6. Monsieur Edgard Leblanc, Représentant du Collectif des partis politiques du 30 janvier ;
  7. Dr Louis Gérald Gilles, Représentant de l’Accord du 21 décembre ;
  8. Monsieur Frinel Joseph, Représentant (observateur) des organisations de la société civile ;
  9. Madame Régine Abraham, Représentante (observatrice) du Rassemblement pour une entente nationale et souveraine (REN).

Critères pour être candidat.e au poste de Premier.e ministre ou de ministre

Eu égard à l’accord politique et au décret portant création et fonctionnement du conseil présidentiel, voici les critères pour être candidat.e au poste de Premier.e ministre ou de ministre :

  • Être un.e haïtien.ne d’origine ;
  • Jouir de ses droits civils et politiques et n’avoir jamais été condamné à une peine afflictive et infamante pour crimes de droits communs ;  
  • N’avoir été condamné pour des crimes financiers, de sang, ou lié à des actes de violence ou de corruption ;
  • Ne pas faire objet de sanction par une Résolution de l’ONU;
  • Être propriétaire d’un immeuble au moins en Haïti ou y exercer une activité professionnelle ;
  • Avoir une résidence habituelle en Haïti et s’engager à y résider tout au long de son mandat ; 
  • Avoir respecté les obligations légales relatives à la fiscalité au cours des cinq dernières années. 

Profil et compétences pour être candidat.e au poste de Premier.e ministre ou de ministre

Eu égard à l’accord politique et au décret portant création et fonctionnement du conseil présidentiel, voici le profil et les compétences pour être candidat.e au poste de Premier.e ministre ou de ministre :

  • Avoir une  bonne connaissance de l’administration publique ;
  • Avoir une bonne expérience managériale de haut niveau ;  
  • Démontrer une bonne connaissance de la vie politique haïtienne, des enjeux géopolitiques et de la crise profonde que traverse le pays ;
  • Développer d’excellentes compétences en communication ;
  • Maitriser l’art de la négociation  ; Démontrer une grande capacité de rassembler et de construire des ponts entre les secteurs ;
  • Être capable de travailler en équipe et sous pression ;
  • Avoir une trajectoire professionnelle attestant d’un leadership fort ;
  • Ne montrer de parti pris pour aucun acteur politique, économique ou social ;
  • Montrer de l’empathie pour la souffrance de la population haïtienne.

Intégration de la diaspora haïtienne

La contribution de la diaspora haïtienne est sans équivoque. Elle contribue dans la croissance du pays (Vincent, 2020 ; Nazaire, 2018 ; Rosier, 2018 ; Séraphin & Paul, 2016 ; Paul & Séraphin, 2015). De plus, les haïtiens apportent leur savoir, savoir-faire et savoir-être au développement de nombreux pays, notamment au Canada, aux États-Unis, à la France, à la République Dominicaine, etc. (Charles, 2023 ; Sullivan, 2015 ; Beauvois, 2009 ; Pierre, 2007). Néanmoins, comme l’aide apportée par la communauté internationale à Haïti, l’aide apportée par la diaspora haïtienne ne suffit pas pour son son développement durable. Aux débats, figure l’intégration des membres de la diaspora haïtienne ayant acquis une seconde nationalité dans la sphère politique du pays.

Les discussions autour de l’intégration de la diaspora ne datent pas d’aujourd’hui. Beaucoup d’Haïtiens s’y attendaient depuis longtemps. Toutefois, comme bon nombre d’Haïtiens, l’intégration de la diaspora ne doit pas être systématique. Car, certains postes stratégiques exigent que l’Haïtien n’aie jamais renoncé à sa nationalité. Dans cette optique, nous promouvons l’intégration des Haïtiens de la diaspora et de ceux ayant acquis une seconde nationalité à certains postes clés de l’administration publique en commençant par les postes de premier ministre, ministre, directeur général, etc. Toutefois, certains postes clés doivent seulement être occupés par des haïtiens d’origine n’ayant jamais renoncé à leur nationalité. De ces postes clés, je citerais les postes de président, membres de la cour de cassation, secrétaire d’état, député, sénateur, maire et juge.

Rappelons qu’en acceptant qu’un Haïtien ou une Haïtienne d’origine puisse remplir ces fonctions, cela sous-entend que l’Haïtien ou l’Haïtienne est né d’un père haïtien ou d’une mère haïtienne qui eux-mêmes sont nés Haïtiens et n’avaient jamais renoncé à leur nationalité au moment de la naissance (Haïti, 1987). Maintenant, le premier pas est franchi par le le Conseil Présidentiel de Transition (CPT) et nous l’acclamons sans hypocrisie. Maintenant, il reste que ces principes soient insérés au niveau de la nouvelle constitution haïtienne.

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Références

Beauvois, F. (2009). L’indemnité de Saint-Domingue:«Dette d’indépendance» ou «rançon de l’esclavage»?. French Colonial History10(1), 109-124.

Charles, G. (2023). La place et la contribution de la diaspora haïtienne au travail social canadien: Étude de cas du Collectif des Intervenants Sociaux Haïtiens d’Ottawa (CISHO).

Haiti. (1987). Constitution de la République d’Haiti, 29 mars 1987. République d’Haiti.

Nazaire, M. (2018). La participation de la diaspora haïtienne du Québec au développement local en Haïti (Doctoral dissertation, Université du Québec à Rimouski).

Pierre, S. (2007). Ces Québécois venus d’Haïti: contribution de la communauté haïtienne à l’édification du Québec moderne. Presses inter Polytechnique.

Pierre, S., Dupénor, J., Kernizan, R., Vincent, M. D., Dauphin-Pierre, S., & Pierre, J. (2023). Analysis of an Entrepreneurial Ecosystem in Northern Haiti to Stimulate Innovation and Reduce Poverty. The Journal of Entrepreneurship, 32(2), S117-S141.

Paul, B., & Séraphin, H. (2015). L’Haitianité et la responsabilité sociale de la diaspora dans le développement d’Haïti. Études caribéennes, (29).

Rosier, K. (2018). The Role and Effectiveness of the Haitian Diaspora in the Development of Haiti.

Séraphin, H., & Paul, B. (2016). La diaspora: un levier pour le développement du tourisme en Haïti. Mondes du Tourisme, (11).

Sullivan, E. J. (2015). «La magie de l’authenticité»: Deux décennies d’exposition et d’étude de l’art haïtien aux États-Unis et en Grande-Bretagne. Gradhiva. Revue d’anthropologie et d’histoire des arts, (21), 206-221.

Vincent, M. D. (2020). La diaspora haïtienne et le développement durable d’Haïti. Le Scientifique.

ÉDITEUR / ÉDITRICE

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Marc-Donald VINCENT
Marc-Donald Vincent est spécialiste en gestion de projets. Il a obtenu une licence en sciences agricoles de l'Université Chrétienne du Nord d’Haïti (UCNH) en 2016, un diplôme d’études supérieures spécialisées (D.E.S.S.) en gestion des projets d'architecture et d'aménagement en 2020 et une maîtrise (M.Sc.A) en gestion de projets en 2021 de l'Institut des Sciences, desTechnologies et des Études Avancées d'Haïti (ISTEAH). Après son stage de recherche au Laboratoire de recherche en réseautique et informatique mobile (LARIM) de Polytechnique Montréal, il poursuit sa recherche doctorale en sciences de la gestion en Haïti à l'ISTEAH. Sa thèse doctorale porte sur les facteurs de succès et de sous-performance des projets publics mis en œuvre dans les pays à revenu faible et intermédiaire, cas d'Haïti. Aussi, Marc-Donald Vincent est président du Centre de Recherche Intégrée et Scientifique d’Haïti (CRISH) et du journal Le Scientifique promouvant la recherche scientifique en Haïti.
https://www.lescientifique.org