Problématique de la majorité sexuelle en Haïti et du projet de code pénal

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Alors que le pays possède un code penal très ancien et presque dessuet dans des champs spécifiques, le nouveau projet du Code Pénal d’Haïti fait face à un ensemble de grognes pour avoir fixé la majorité sexuelle à 15 ans. Dans cette optique, certaines églises montent au créneau pour dénoncer cet état de fait au point que des leaders d’églises sont impliqués dans des mobilisations politiques allant conduire à faillite du projet et vers l’assassinat d’un président en Haïti. En Haïti, les leaders religieux disent des choses et font paradoxalement autres choses tout en oubliant que la bible dit que des choses étranges devraient arriver au dernier temps et ce seraient des signes de la venue de Jésus-Christ (Apocalypse). Par contre, on doit mentionner qu’un pays est dirigé par des lois adaptées aux réalités actuelles et non par uniquement des guides moraux comme la bible, le cohan, etc. C’est ainsi la question de majorité sexuelle (âge de consentement pour avoir du sexe) soulevée avant l’assassinat du président haïtien, Jovenel Moïse, refait surface sous l’hospice de l’aile politique des églises protestantes haïtiennes. Est-ce que la pétition mise en ligne par les leaders religieux est politique ou seulement morale ? Est-ce que le problème provient de la loi qui fixe la majorité sexuelle à 15 ans en Haïti ou ce sont les pratiques courantes qui l’expliquent, car, la majorité d’adolescents haïtiens font du sexe en moyenne à 15 ou 16 ans et ce, avec leur consentement mutuel. Est-ce que l’église voudrait qu’une loi sur la majorité sexuelle ne soit pas adaptée à la réalité haïtienne vu que, sauf rare exception, presque tous font du sexe en moyenne à 15 ans et voire moins ? Est-ce que les revendications des pasteurs ne sont pas beaucoup plus politiques sous le couvert de moralité ? Dans le préambule de cet article, on tient à signaler, en Indonésie, que la majorité sexuelle est de 16 ans pour les filles et 19 ans pour les garçons. Loin de prendre une position par rapport à ce sujet d’actualités, cet article essaie de comprendre l’âge de la majorité sexuelle dans de nombreux pays.

Qu’est-ce que la majorité sexuelle ?

La majorité sexuelle est l’âge au-dessous duquel une personne civilement mineure ne peut se livrer à une activité sexuelle avec une personne civilement majeure sans que celle-ci commette une infraction pénale conformément au droit national. Il existe une différence entre la majorité et la majorité sexuelle. La majorité sexuelle est l’âge à partir duquel un mineur civil peut avoir une relation sexuelle avec un adulte sans que celui-ci commette une infraction. L’âge du consentement pour une jeune personne diffère d’un pays à l’autre et même d’un État à l’autre, comme c’est le cas aux États-Unis et au Mexique. Il arrive aussi qu’une loi dresse la liste des activités sexuelles autorisées et donne l’âge à partir duquel elles le sont, en fonction du sexe et des habitudes des partenaires.

Selon Élie (2021), il convient de préciser qu’il y a une distinction entre la majorité civile, la majorité sexuelle et la majorité pénale. La majorité civile est l’âge à partir duquel un individu est juridiquement considéré comme civilement capable et responsable, cette majorité est définie dans l’article 17 de la constitution de 1987. La majorité pénale qui est l’âge à partir duquel un individu est soumis au droit pénal commun et ne bénéficie plus de l’excuse de minorité prévue par la loi du 7 septembre 1961 créant le tribunal pour enfants. Et la majorité sexuelle, qui est l’âge auquel un individu est considéré comme apte à consentir pour avoir des relations sexuelles, n’est pas spécifiquement prévue par un texte de lois. Cependant, bien que les textes de lois sont flous, sur la base de l’article 16.2, l’individu qui n’a pas encore l’âge de 18 ans est considéré comme mineur. Et, en tant que mineur, il n’a pas de consentement. Ainsi, sauf en cas d’émancipation, toute relation sexuelle entre un individu majeur et un.e mineur.e est interdite pour défaut de consentement et passible de sanctions pénales.

Âge de la majorité sexuelle par pays

  • Pays où la majorité sexuelle est de 13 ans : Corée du sud, Japon (certaines Préfectures peuvent, par décret, interdire les activités d’ordre sexuel avant l’âge de 18 ans).
  • Pays où la majorité sexuelle est de 14 ans : Albanie, Autriche, Bulgarie, Bosnie-Herzégovine, Estonie, Allemagne, Hongrie, Italie, Liechtenstein, Macédoine, Monténégro, Portugal, Saint-Marin, Serbie, Arabie Saoudite, Chine, Brésil, Chili (jusqu’à 18 ans), Colombie, Équateur, Paraguay, Pérou.
  • Pays où la majorité sexuelle est de 15 ans : Croatie, République tchèque, Danemark, Iles Féroé, France, Grèce, Islande, Monaco, Pologne, Roumanie, Slovaquie, Slovénie, Suède, Thaïlande, Yémen (mais dans le mariage), Costarica, Honduras, Guyane Française, Uruguay.
  • Pays où la majorité sexuelle est de 16 ans : Andorre, Arménie, Azerbaïdjan, Biélorussie, Belgique, Espagne, Finlande, Géorgie, Kazakhstan, Lettonie, États-Unis d’Amérique (dans 30 États), Luxembourg, Moldavie, les Pays-Bas, Chypre du Nord, Norvège, Russie, Suisse, Ukraine, le Royaume-Uni, Hong Kong, Inde (mais 14 ans à Manipur), Indonésie (16 ans pour les filles et 19 ans pour les garçons), Israël, Malaisie, Ouzbékistan, Singapour, Bermudes, Canada, Belize, Guyana, Suriname, Venezuela, Hawaï, Russie.
  • Pays où la majorité sexuelle est de 17 ans : Chypre, Irlande, Mongolie.
  • Pays où la majorité sexuelle est de 18 ans : Malte, Turquie, le Vatican, Kazakhstan, Philippines, Tadjikistan, Taïwan, Turquie, Mexique, Guatemala, Nicaragua, Panama, Salavador, Argentine, République dominicaine.

POSITION DE L’EGLISE HAÏTIENNE SUR LES DIFFÉRENTS PROBLÈMES MORAUX ISSUS DES RÉCENTS DÉCRETS DU GOUVERNEMENT HAÏTIEN

D’après la pétition d’un échantillon des églises haïtiennes, le gouvernement de la République a pris plusieurs décrets au cours des 4 derniers mois sur diverses questions qui ont provoqué des protestations de divers secteurs organisés et de simples citoyens de la société. Plusieurs points de ces décrets suscitent la colère de la majorité des Haïtiens qui les considèrent comme une série d’attaques du gouvernement contre la moralité de la société haïtienne, contre ses mœurs et sa culture, tout en ignorant les besoins réels de la population. Ils estiment que l’Église haïtienne, a la responsabilité de défendre la moralité du pays ; ils ont décidé de prendre position sur ces décrets qu’ils estiment immoraux.

Ainsi :

  1. Ils rejettent les articles 304 et 471 du nouveau Code Pénal qui abaissent subtilement l’âge du consentement ou de la majorité sexuelle à 15 ans.
  2. Ils rejettent l’article 468 du nouveau Code Pénal, qui favorise implicitement la consommation volontaire d’alcool chez les mineurs.
  3. Ils rejettent les articles 304 et 471 du nouveau Code Pénal qui introduisent et permettent indirectement la prostitution des mineurs de plus de 15 ans dans notre système de société.
  4. Ils rejettent l’article 305 du nouveau Code Pénal, qui favorise les pratiques sexuelles entre cousins et cousines, entre oncles et nièces, entre tantes et neveux, et vice versa.
  5. Ils rejettent l’article 301 du nouveau Code Pénal qui autorise même les relations sexuelles entre les humains et les animaux. La société haïtienne rejette ces pratiques dans son système moral, que ce soit du côté des chrétiens ou des non chrétiens.
  6. Ils rejettent les articles 363 et 366 du nouveau Code Pénal qui punissent les prêtres, les pasteurs, les officiers de l’état civil préposés à la célébration de mariage. Lorsque le refus du service se produit dans un lieu public, ces officiers seront passibles d’une peine de 3 à 5 ans de prison, et d’une amende allant de 75 000 à 100 000 gourdes. L’article 366, mentionne des sanctions pour les « personnes morales », c’est-à-dire les institutions telles que les églises.

Tout en rappelant que « La justice élève une nation, mais le péché est la honte des peuples. » (Bible, Proverbes 14 : 34), ils exhortent le gouvernement de la République d’Haïti à réviser tous ces articles qui violent la Constitution du pays, le code civil et qui sont contraires aux mœurs et à la culture de la société haïtienne.

Si le code rentre en application le 23 juin 2024, un enfant peut-donc consentir à n’importe quel âge ?


Oui, légalement, un mineur, même très jeune, peut consentir à une relation sexuelle, même avec un adulte. Mais attention : ce n’est pas parce que le mineur est considéré consentant que la relation sexuelle est légale. En effet, il existe des situations dans lesquelles un mineur est considéré consentant et dans lesquelles les majeurs sont tout de même sanctionnés. Les majeurs n’ont pas le droit d’avoir des relations sexuelles avec des mineurs de moins de 15 ans : c’est ce qu’on appelle l’infraction d’atteinte sexuelle (ACPE, 2019).

Mais alors, il se passe quoi à 15 ans ?

Un majeur a le droit d’avoir une relation sexuelle avec un mineur à partir de 15 ans. Mais attention, il existe aussi des cas où une relation sexuelle entre un mineur de plus de 15 ans et un majeur sont interdites. C’est le cas lorsqu’un majeur a une autorité de droit ou de fait sur le mineur. Par exemple, un professeur n’a pas le droit d’avoir une relation sexuelle avec un élève. C’est un délit d’atteinte sexuelle.

Cependant, il est à noter pour ce qui concerne Haïti, la majorité sexuelle de 15 ans mentionnée dans les articles 304 et 471 du nouveau Code pénal haïtien entrera en vigueur dans une période de 24 mois (après sa publication à partir de la date de publication du décret correspondant au 24 juin 2020) soit le 23 juin 2022, mais suite à des revendications de certains secteurs nationaux, la mise en vigueur du décret a été reporté pour le 23 juin 2024 sous le gouvernement de Ariel Henry. Ainsi, le gouvernement d’Haïti dispose de 24 nouveaux mois pour entreprendre toute une série d’actions et mettre en branle une série de réformes dans le système judiciaire en vue de permettre l’application effective des dispositions de ce texte.

Voici le nouveau projet du Code pénal d’Haïti qui devait entrer en vigueur le 23 juin 2024, soit 48 mois après la publication du décret signé par le défunt président d’Haïti, Jovenel Moïse 👇

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En conclusion, légalement, un mineur peut être consentant à n’importe quel âge. Cependant, selon l’âge de la personne avec laquelle il a des relations sexuelles, certaines relations sont licites ou non. Mentionnons que l’actuel code pénal en vigueur en Haïti actuellement date de très longtemps soit d’environ 200 ans. Ce code pénal ne condamne pas l’inceste mais autorise les filles à se faire marier dès l’âge de 15 ans avec un homme de plus 18 ans. Malheureusement, les leaders politiques n’en parlent pas.

Rappelons que cette disposition consacrant la nubilité des filles à 15 ans et des garçons à 18 ans est du code civil haïtien TOME 1. Le TOME 2 est consacré au droit des biens (droit de propriété, usufruit, hypothèque, gage, nantissement, etc.) alors que le Tome 1 est compilé des textes sur le droit des personnes et de la famille (mariage, divorce, adoption, tutelle, curatelle, etc.).

RÉFÉRENCES

ÉDITEUR / ÉDITRICE

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Marc-Méland VINCENT
Marc-Méland Vincent est sociologue de formation. Il travaille dans les champs de compétences suivants : administration des affaires, animation socioculturelle, opérations électorales. Il fait ses études de baccalauréat en sciences sociales (sociologie) à l'Université d'État d'Haïti (UEH). ________________________ LE SCIENTIFIQUE comme son nom l’indique est une revue de presse scientifique dont sa mission principale est de servir les communautés mondiales en quête de savoir et d’informations, c’est-à-dire du savoir scientifique et socioprofessionnel pour comprendre l’évolution de l’humanité, interpréter les phénomènes qui se développent dans leur environnement dans un esprit scientifique. En d’autres termes, la revue publie des articles scientifiques, professionnels et populaires selon les principes déontologiques, les normes méthodologiques APA. La revue LE SCIENTIFIQUE est diffusée au format électronique grâce aux nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC). Elle s’adresse aux lecteurs et aux internautes du monde entier et propose deux articles au moins par semaine autour des questions scientifiques, professionnelles et populaires. La revue est publiée sur le web et également diffusable par email.
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