Comment éviter l’entrée des élus analphabets au parlement d’Haïti ?

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La question des députés et sénateurs analphabets siégeant dans le parlement d’Haïti est un problème criant qui s’observe au vu et au su de tous en Haïti. Alors que la mission principale des députés et sénateurs sont d’après la législation haïtienne de légiférer et de contrôler les actions du gouvernement, il y a même des députés et sénateurs qui ne savent ni lire ni écrire au parlement haïtien depuis le régime constitutionnel de 1987 à nos jours (Février 2022). Comment feront-ils pour produire des lois, analyser les propositions de lois et surtout contrôler les actions gouvernementales via l’analyse des rapports et des projets ? Incroyable mais vrai ! Pour nous autres, ce problème doit être résolu à la base, c’est-à-dire, dans la législation haïtienne (constitution, loi électorale, statuts des partis politiques, etc.). Ainsi, comment éviter la prise du pouvoir législatif haïtien par non seulement des analphabètes, mais des citoyens alphabets moins aptes au développement durable d’Haïti ? En réalité, cet article ne rentre pas dans une dynamique de discrimination des analphabètes. Loin delà ! Au contraire, il essaie d’analyser la place optimale de chaque citoyen dans la structure de développement d’Haïti. Car, de même qu’il serait absurde que des agronomes remplacent les ingénieurs civils, des médecins remplacent les gestionnaires dans l’administration des hopitaux, des biotechnologistes remplacent les infirmières, il en est de même inconcevable pour des citoyens analphabets de remplacer des citoyens alphabets ainsi que des citoyens inaptes de remplacer les citoyens mieux aptes. Ce serait déjà un chaos pour l’avenir méritocratique de la jeunesse. Car, si on se base sur la définition du développement durable qui se définit comme « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs » (Mme Gro Harlem Brundtland, Premier Ministre norvégien, 1987 cité dans INSEE, 2016), on verra bien ce système d’exploitation suscitera une lassitude chez les jeunes haïtien à devenir des professionnels qualifiés, ce à cause du système qui ne favorise pas les plus doués, aptes et éthiques.

Une telle culture de promotion des valeurs indésirables, où celui qui a fait le moins d’efforts académiques et professionnels puisse s’attendre à réussir sa vie à cause de la mauvaise politique exercée et renforcée en Haïti, ne peut susciter que la fuite de cerveaux haïtiens vers d’autres pays qui en connaissent le prix et la valeur. Ici, en Haïti, tout porte à croire que le pays n’a pas besoin des gens qualifiés. Ça a l’air d’être vrai, mais en réalité, ce n’est pas la faute du pays, car il est fait d’hommes et de femmes qui devraient se battre pour mettre des politiques de développement égalitaires. Néanmoins, cette situation s’expliquerait de préférence par la prise du pouvoir haïtien par un ensemble de malandrins politiques qui voient dans les professionnels qualifiés et hommes de science haïtiens une menace pouvant leur obstruer la route dans la mainmise du pouvoir. Malheureusement, en guise de se battre contre ces faux citoyens, les professionnels qualifiés ont déserté et laissé le champ électoral libre aux incompétents et citoyens sans scrupules.

Source du problème promouvant l’élection des parlementaires analphabètes et inaptes

En principe, tout problème identifié devrait être résolu à la base afin de s’assurer de la pérennité des actions prises. Malheureusement, le problème constaté de nos jours dans le parlement haïtien tire son origine dans la loi mère et les différents décrets électoraux d’Haïti. Pour comprendre la situation, on va passer en revue la législation haïtienne pour qu’un citoyen puisse se porter candidat aux élections à la députation et au sénat.

Pour être membre député en Haïti, il faut :

  1. être haïtien ou haïtienne d’origine et n’avoir jamais renoncé à sa nationalité ;
  2. être âgé de vingt-cinq (25) ans accomplis ;
  3. jouir de ses droits civils et politiques et n’avoir jamais été condamné à une peine afflictive ou infamante pour un crime de droit commun ;
  4. avoir résidé au moins deux (2) années consécutives précédant la date des élections dans la circonscription électorale à répresenter ;
  5. être propriétaire d’un immeuble au moins dans la circonscription ou y exercer une profession ou une industrie; 6) avoir reçu décharge, le cas échéant, comme gestionnaire de fonds publics.

Pour être sénateur en Haïti, il faut :

  1. être haïtien d’origine et n’avoir jamais renoncé à sa nationalité ;
  2. être âgé de trente (30) ans accomplis;
  3. jouir de ses droits civils et politiques et n’avoir jamais été condamné à une peine afflictive et infamante pour un crime de droit commun ;
  4. avoir résidé dans le département à représenter au moins quatre (4) années consécutives précédant la date des élections ;
  5. être propriétaire d’un immeuble au moins dans le département ou y exercer une profession ou une industrie ;
  6. avoir obtenu décharge, le cas échéant, comme gestionnaire de fonds publics.

À travers les conditions pour être éligible à la députation et au sénat en Haïti, il est clairement démontré que les législateurs n’ont mis aucun critère méritocratique pour être député et sénateur en Haïti. En principe, les législateurs devraient encourager et promouvoir les aptitudes et l’efficience des professionnels et hommes de sciences haïtien. Malheureusement, c’est le contraire qui a été fait dans la constitution haïtienne (version primaire et amendée) et qui se fait dans l’administration publique et celle des affaires. Donc, s’il faut corriger ce problème structurellement (à la base), il faut nécessairement amender ou changer la constitution haïtienne afin d’insérer clairement et sans ambages le niveau académique et d’expériences (de travail, de publication d’articles, de réalisation sociopersonnelle) des citoyens pouvant se porter candidat à la députation et au sénat.

Relation entre les hommes de savoir haïtiens et leur approche politique

Généralement, les hommes de savoir et de science fuient la politique haïtienne qui se revêt davantage à la politicaillerie au lieu d’une structure des rapports de force et de pouvoir au sein d’une société. Certains diront qu’en est-il de l’infime partie des hommes de science faisant la politique en Haïti, en réalité, cette infime partie ne voit en leur savoir et science un facteur pouvant aider au renforcement de l’État de droit en Haïti. Au contraire, ils utilisent leur savoir pour avoir le beurre et l’argent du beurre.

Comment résoudre le problème de l’analphabétisme au parlement haïtien ?

1. Dans la constitution d’Haïti

De nos jours, les habitants d’Haïti sont sous l’égide de la constitution de 1987 version amendée. Depuis, les problèmes soulevés dans la constitution primaire de 1987 empirent au lieu d’être résolus. Au contraire, la version de la constitution amendée qui a été publiée ne correspondrait pas à la version officielle de l’Assemblée nationale haïtienne. En effet, il est à une nouvelle constitution ou à l’amendement de l’actuelle constitution de résoudre le problème de l’analphabétisme au niveau du parlement haïtien. Car, il est inconcevable, au 21ème siècle, de non seulement accepter la candidature des analphabets commcomme sénateurs et députés en Haïti mais de les élire avec la mission principale d’élaborer des lois et contrôler le pouvoir exécutif. Certains diront qu’ils pourraient toujours être députés et sénateurs analphabets moyennant qu’ils aient un bureau efficace pour les aider à remplir leurs tâches. Malheureusement, il est scientifiquement démontré qu’il y a une forte incompatibilité entre alphabets avec analphabets. De ce fait, le moyen le plus propice pour résoudre ce problème constitue un changement ou un amendement de constitution. Ce changement doit clairement stipuler les aptitudes et qualifications d’un aspirant sénateur et député pour être préalablement éligible aux élections.

2. Dans le respect de la méritocratie

La méritocratie est un système politique, économique et social fondé sur le mérite et non sur la reproduction sociale (système de classe), la richesse ou les relations individuelles (système de copinage). En Haïti, il y a un haut degré de copinage dans le système politique. Peu importe que les citoyens n’aient pas le mérite pour être éligibles aux élections législatives, ils sont promus sous prétexte de les influencer à prendre des décisions de clan une fois élus. Cette situation est tellement vraie que le nombre de lois élaborées dans le parlement haïtien est statistiquement insignifiant. Ainsi, on pourrait déduire qu’il n’y a pas de corrélation positive entre l’analphabétisme des sénateurs et députés et leur taux de production de lois. Delà, le moyen le plus propice pour résoudre ce problème constitue la publication d’une loi électorale mentionnant clairement les aptitudes et qualifications d’un aspirant sénateur et député pour être préalablement éligible aux élections. En somme, il est injuste de demander des ressources humaines qualifiées au niveau technique du parlement alors que les fonctionnaires du parlement (députés et sénateurs) ne savent même lire et écrire voire avoir une profession. Comment les concilier ?

3. Loi électorale

Depuis la constitution de 1987 et la version amendée de ladite constitution, Haïti n’a connu aucune loi électorale si non que des décrets électoraux pris par défaut de loi électorale par le pouvoir exécutif. Ceci montre que le système électoral haïtien fait face à un grand défi. Donc, le moyen le plus propice pour résoudre ce problème revêt la le vote et la publication d’une loi électorale qui sans ambages donnant les critères académiques et conditions pour qu’un citoyen puissent devenir sénateur et député.

4. Partis politiques

Il est un fait que les partis politiques haïtiens accroissent comme de la mauvaise herbe malgré l’infertilité du terrain politique haïtien. Comme les partis politiques, les candidats aux élections par parti en Haïti prolifèrent également comme des insectes. Comment résoudre ce problème ? Vu que les partis politiques n’ont aucun programme réel de développement, considérant que les partis politiques ont, de nos jours, des buts lucratifs, il est urgent de les structurer, et ce via une loi de renforcement des partis politiques ou au niveau de la loi électorale. Ces lois doivent clairement proposer un regroupement des partis politiques et des élections primaires avant les élections générales.

De ce fait, pour résoudre structurellement ce probleme, il est nécessaire que la nouvelle loi électorale et la loi sur les partis politiques donnent le ton. Comment ? Comme le prescrit la législation haitienne, le droit au regroupement politique est favorisé. Toutefois, la législation haitienne ouvre la brèche à la loi électorale d’en déterminer les conditions d’éligibilité des candidats des partis politiques aux scrutins. En effet, afin d’éviter d’avoir une panoplie de partis politiques aux élections, il est conseillé à l’Etat haitien de favoriser le regroupement des partis politiques en plateformes politiques lors des périodes électorales (présidentielles, législatives et des collectivités territoriales). La proposition de regroupement des partis politiques se fait selon les périodes électorales sus-mentionnées.

Lors des élections législatives

À l’approche des élections législatives, il faut obligatoirement des élections primaires dans les partis et les regroupemments de partis politiques en Haïti, mais au niveau départemental pour le senat et au niveau des circonscription electorales pour la députation. Voici la formule la plus optimale en termes de résultats. Il faut préalablement cinq (5) grandes plateformes politiques qui regrouperont les partis politiques ayant les memes ideologiques. Chacune de ces cinq (5) grandes plateformes politiques auront deux représentants par département et circonscription électorale. Voici la démarche par plateforme :

  1. Plateforme socialiste (gauche) : les élections primaires seront organisées dans cette plateforme socialiste (gauche) au niveau départemental pour le senat et au niveau des circonscriptions électorales pour la députation avec tous les partis politiques désireux d’avoir des candidats. La population départementale aura droit de voter en une seule tour pour les candidats au senat alors que la population des circonscriptions électorales aura droit de voter en une seule tour pour les candidats à la députation qui devrait représenter la plateforme socialiste (gauche).
  2. Plateforme communiste (extrême gauche) : les élections primaires seront organisées dans cette plateforme de communisme (extrême gauche) au niveau départemental pour le senat et au niveau des circonscriptions électorales pour la députation avec tous les partis politiques désireux d’avoir des candidats. La population départementale aura droit de voter en une seule tour pour les candidats au senat alors que la population des circonscriptions électorales aura droit de voter en une seule tour pour les candidats à la députation qui devrait représenter la plateforme de communisme (extrême gauche).
  3. Plateforme centriste (libéralisme) : les élections primaires seront organisées dans cette plateforme centriste (libéralisme)au niveau départemental pour le senat et au niveau des circonscriptions électorales pour la députation avec tous les partis politiques désireux d’avoir des candidats. La population départementale aura droit de voter en une seule tour pour les candidats au senat alors que la population des circonscriptions électorales aura droit de voter en une seule tour pour les candidats à la députation qui devrait représenter la plateforme centriste (libéralisme).
  4. Plateforme conservatiste (droite) : les élections primaires seront organisées dans cette plateforme conservatiste (droite) au niveau départemental pour le senat et au niveau des circonscriptions électorales pour la députation avec tous les partis politiques désireux d’avoir des candidats. La population départementale aura droit de voter en une seule tour pour les candidats au senat alors que la population des circonscriptions électorales aura droit de voter en une seule tour pour les candidats à la députation qui devrait représenter la plateforme conservatiste (droite).
  5. Plateforme fasciste (extrême droite) : les élections primaires seront organisées dans cette plateforme fasciste (extrême droite) au niveau départemental pour le senat et au niveau des circonscriptions électorales pour la députation avec tous les partis politiques désireux d’avoir des candidats. La population départementale aura droit de voter en une seule tour pour les candidats au senat alors que la population des circonscriptions électorales aura droit de voter en une seule tour pour les candidats à la députation qui devrait représenter la plateforme fasciste (extrême droite).

Suite aux élections organisées dans chacune des plateformes politiques, dix (10) seuls candidats seront retenus pour participer aux élections législatives par département pour le senat et par circonscription électorale pour la députation à raison de deux candidats par plateforme politique (socialisme ou gauche, communisme ou extrême gauche, centriste ou libéralisme, conservatiste ou droite, et fasciste ou extrême droite).

Conclusion

Loin de faire une discrimination négative contre les citoyens analphabets ou peu alphabets, cet article rentre dans une dynamique d’efficacité et d’efficience des sénateurs et députés haïtiens. Car, entant que co-dépositaire de la nation, l’existence de parlementaires analphabets et sans profession est absurde et inadmissible en Haïti. Si une solution n’est pas donnée rapidement à ce problème, l’école va perdre sa valeur initiale. Car, pourquoi devrait-on envoyer nos enfants à l’école s’ils peuvent devenir n’importe qui au timon des affaires voire députés et sénateurs sans savoir lire et écrire ?

RÉFÉRENCES

INSEE. (2016). Développement durable. Tiré le 27 Février 2022 du portail INSEE.

ÉDITEUR / ÉDITRICE

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Marc-Donald VINCENT
Marc-Donald Vincent est spécialiste en gestion de projets. Il a obtenu une licence en sciences agricoles de l'Université Chrétienne du Nord d’Haïti (UCNH) en 2016, un diplôme d’études supérieures spécialisées (D.E.S.S.) en gestion des projets d'architecture et d'aménagement en 2020 et une maîtrise (M.Sc.A) en gestion de projets en 2021 de l'Institut des Sciences, desTechnologies et des Études Avancées d'Haïti (ISTEAH). Après son stage de recherche au Laboratoire de recherche en réseautique et informatique mobile (LARIM) de Polytechnique Montréal, il poursuit sa recherche doctorale en sciences de la gestion en Haïti à l'ISTEAH. Sa thèse doctorale porte sur les facteurs de succès et de sous-performance des projets publics mis en œuvre dans les pays à revenu faible et intermédiaire, cas d'Haïti. Aussi, Marc-Donald Vincent est président du Centre de Recherche Intégrée et Scientifique d’Haïti (CRISH) et du journal Le Scientifique promouvant la recherche scientifique en Haïti.
https://www.lescientifique.org