Urbanisation et gestion des eaux pluviales : nécessité d’implanter des ouvrages d’infiltration à l’échelle urbaine

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Depuis le XIXe siècle, les réseaux pluviaux d’évacuation du ruissellement urbain font partie des grands réseaux d’infrastructure qui ont permis le développement de la ville moderne. C’est ainsi, l’histologie urbaine, comme science du cycle de l’eau en milieu urbain, n’a cessé de se développer graduellement pour s’étendre à d’autres groupes de professionnels s’intéressant à la gestion des eaux pluviales (sociologues, urbanistes, aménagistes et environnementalistes), une gestion qui représente une complexité énorme à cause de l’urbanisation qui tend à intensifier les surfaces imperméables occasionnant du coup l’écoulement rapide des eaux pluviales dans le réseau de drainage (canalisations, conduites et collecteurs) (Fuamba, 2022). Une telle situation est causée par les constructions diverses, comme les maisons, les chaussées, les aires de stationnement, etc. L’eau ne peut donc s’infiltrer suffisamment pour se diriger vers la nappe phréatique, s’écouler à travers la surface souterraine ou vers les cours d’eau naturels.

Divers auteurs consultés dans la littérature scientifique estiment que pour réduire les effets de l’urbanisation, il faut mettre en œuvre des techniques en vue de réduire les débits et les charges polluantes à la source (contaminants des zones résidentielles ou commerciales, activités industrielles, construction, rues et aires de stationnement, parterres gazonnés et retombées atmosphériques). Ces techniques ont généralement ces appellations dans la communauté scientifique :

  1. pratiques de gestion optimales ;
  2. infrastructures vertes ;
  3. gestion intégrée des eaux urbaines ;
  4. techniques alternatives de gestion des eaux pluviales ;
  5. conception et développement urbains à faible impact ;
  6. mesures de contrôle des eaux pluviales ;
  7. conception urbaine sensible à l’eau ;
  8. systèmes de drainage urbain durable.

Urbanisation et infiltration des eaux pluviales

Selon Brière (2012) de Polytechnique Montréal, l’urbanisation d’un territoire se fait généralement de manière progressive et cela favorise considérablement l’augmentation des surfaces imperméables dues au nombre important de rues asphaltées, des toitures, etc. Une telle situation entraîne également une grande diminution du volume d’eau qui s’infiltre dans le sol lors des pluies et une augmentation du volume d’eau qui ruisselle sur la surface du sol. Cest ce quon appelle les conséquences physiques quantitatives de lurbanisation sur la gestion des eaux pluviales. À faire remarquer, en milieu naturel, l’eau de ruissellement est générée par les précipitations, sans oublier la fonte des neiges au printemps, le cas échéant. Cette eau suit des cheminements variés au sol :

  1. elle peut s’infiltrer ;
  2. elle peut être interceptée par la végétation ;
  3. elle peut ruisseler en surface ou vers les cours d’eau.

Comme il a été dit précédemment, une fois que l’eau s’infiltre, elle rejoint la nappe phréatique ou s’écoule sous la surface du sol, vers les cours d’eau. Cependant, une partie de la quantité d’eau interceptée par le couvert végétal peut retourner à l’atmosphère par évapotranspiration et finalement l’excédent ruisselle selon la pente du terrain pour rejoindre le milieu récepteur (Boucher, 2010). Pour MAMROT (2010), en milieu naturel, 20 à 30% des eaux pluviales s’infiltrent de manière peu profonde, 10 à 40 % s’infiltrent profondément pour atteindre la nappe phréatique, 40 à 50 % retournent dans l’atmosphère, tandis qu’uniquement 1 % des eaux pluviales ruisselle en surface.

Du côté de Sebti (2016), dans sa thèse de doctorat à Polytechnique Montréal, dans un milieu non urbanisé, environ 25% de l’eau de pluie s’infiltre profondément dans le sol pour rejoindre la nappe d’eau souterraine, 25% s’infiltre (de façon moins profonde), alors que 40% retourne à l’atmosphère et seulement 10 % de l’eau de pluie ruisselle en surface. Pourtant dans les milieux urbains denses et artificialisés où 75 à 100 % du territoire est imperméabilisé, seulement 15 % de l’eau s’infiltre, 30% retourne à l’atmosphère par évapotranspiration et 55 % de l’eau de pluie ruisselle au sol. De surcroît, Rivard (2005) a montré que l’urbanisation et surtout la pression accélérée sur les zones urbaines en pleine croissance ont modifié le bilan hydrique. En effet, il est prouvé que l’urbanisation modifie excessivement l’équilibre hydrique naturel d’un bassin versant. Une telle situation entraîne une augmentation du ruissellement, une diminution de l’infiltration et de l’évapotranspiration. En plus, elle entraîne non seulement une baisse du niveau des eaux souterraines et une augmentation de l’érosion des transports de sédiments, mais aussi des inondations urbaines et une dégradation de la qualité de l’eau en milieu urbain.

Contribution des ouvrages d’infiltration des eaux pluviales

Les ouvrages d’infiltration, en particulier les bassins d’infiltration des eaux pluviales, sont une catégorie extrêmement importante parmi les techniques alternatives (TA) de gestion des eaux pluviales en vue de la réduction du ruissellement. Un bassin d’infiltration, type particulier de bassin de rétention, est une installation généralement peu profonde dont la conception est faite d’abord pour stocker temporairement les eaux pluviales et ensuite les infiltrer dans des sols perméables en vue de la recharge de l’aquifère souterrain. Généralement placé à l’exutoire du réseau d’assainissement et dont les coûts d’investissement, d’exploitation et d’entretien sont reconnus peu élevés, le bassin d’infiltration est un ouvrage permettant de gérer le ruissellement des eaux pluviales et du coup prévenir l’érosion et améliorer la qualité de l’eau (MDDEFP, 2011). Ces ouvrages sont mis en place pour recueillir non seulement des effluents des surfaces urbaines en période de pluie ou des dépôts atmosphériques, mais aussi des eaux transitées dans les réseaux d’assainissement pluvial, en particulier des bassins de retenue. Outre les fonctions techniques ou hydrauliques, ces ouvrages remplissent d’autres fonctions importantes :

  1. ils permettent de réduire les coûts d’urbanisation ou même de permettre le développement urbain ;
  2. ils servent à contribuer à optimiser l’espace urbain.

Placés généralement à l’exutoire d’un ouvrage d’arrivée d’eau, les ouvrages d’infiltrations des eaux pluviales, au cours d’un événement de pluie, doivent être en mesure de stocker l’eau de ruissellement durant l’événement, ensuite ils doivent la restituer graduellement à la nappe phréatique en vue de la recharger. Ces ouvrages, plus précisément les bassins d’infiltration, sont donc installés pour répondre à la nécessité de gérer les eaux pluviales de grandes surfaces, en particulier à l’échelle d’un quartier ou des zones riches en activité (Flaux, 2017). Selon CERTU (1998), les ouvrages d’infiltration des eaux pluviales les plus utilisés dans la dynamique de la gestion alternative des eaux pluviales sont :

  1. Bassins d’infiltration ;
  2. Noues d’infiltration ;
  3. Tranchées dinfiltration ;
  4. Puits dinfiltration ;
  5. Chaussées à structure réservoir ;
  6. Toitures végétalisées.

De plus, non seulement ces ouvrages donnent l’avantage de retenir une quantité importante de polluants transportés par les eaux de ruissellement, ils permettent aussi une meilleure recharge de la nappe phréatique (Cherqui et al., 2016). Cependant, sur le long terme, il est possible que la performance technique ou hydraulique de ces ouvrages soient réduites à cause des risques de colmatage auxquels ils sont souvent exposés.

Références

Boucher, I. (2010). La gestion durable des eaux de pluie, Guide des bonnes pratiques sur la planification territoriale et le développement durable : Sustainable stormwater management, Good Practice Guide on territorial planning and sustainable development. The Ministary of Municipal Affairs, Regions and Land Occupancy, coll. “Territorial planning and sustainable development “.

Brière, F. (2012). Distribution et collecte des eaux. Presses Internationales Polytechnique. Québec, Canada.

CERTU. (1998). Techniques alternatives aux réseaux d’assainissement pluvial: éléments clés pour la mise en œuvre. Lyon, France: Édition du CERTU, Collection Environnement.

Cherqui, F.; Werey, C; Le Nouveau, N; Rodriguez, F. (2016). De la gestion patrimoniale des réseaux d’assainissement aux techniques alternatives de gestion des eaux pluviales, une nouvelle histoire à écrire pour la gestion intégrée des eaux urbaines – Revue Science Eaux et Territoires N°20 – p 22.-p 27.

Flaux, T. (2017). Approche systémique de la gestion des eaux pluviales. Institut National des Sciences Appliquées. Lyon, France.

Fuamba, M. (2022). Perspectives et défis en hydrauliques appliquée. [Notes de cours, Polytechnique Montréal, Québec, Canada].

MAMROT. (2010). La gestion durable des eaux de pluie. Québec, Canada.

Sebti, Anas. (2016). Optimisation de l’implantation des pratiques de gestion optimales (PGO)) dans les réseaux de drainage urbain. [Thèse de doctorat]. Polytechnique Montréal, Québec, Canada.

MDDEFP. (2011). Guide de gestion des eaux pluviales. Québec, Canada.

Rivard, Gilles. (2005). Gestion des eaux pluviales en milieu urbain. 2e éd. Revue et enrichie. Laval, Québec, Canada.

ÉDITEUR / ÉDITRICE

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Pierreman-Fils PIERRE
Pierreman-Fils Pierre est ingénieur civil diplômé de la Faculté des Sciences Appliquées (FDSA) d'Haïti. Il a obtenu un DESS et une Maîtrise en Génie des Ressources Hydriques de l'ISTEAH. Il est actuellement en bi-diplomation au doctorat en génie civil (Axe de spécialisation : Hydraulique) à Polytechnique Montréal – ISTEAH. Il est Maître d’enseignement à l’ISTEAH. Sa recherche doctorale porte sur la modélisation de la performance des pratiques de gestion optimale des eaux pluviales en Haïti par l’approche systémique.
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