Dans le monde, le moteur du développement économique et social demeure l’agriculture. Elle a contribué ou contribue encore à l’accroissement économique de bon nombre de pays, citons quelques-uns : les États-Unis, le Japon, la Chine, le Brésil, la Côte-D’ivoire, la République Dominicaine. Sa contribution à notre chère Haïti du temps de la colonie et aussi de la décennie 1970-1980 a fait de nous une référence. Car au cours de cette décennie, l’agriculture représentait la première source d’exportation du pays. Son poids dans les exportations totales avoisinait les 60 % jusqu’en 1980. Cependant depuis 1985, cette part n’a pas dépassé la barre des 32 %. Depuis lors, les signes du déclin du secteur agricole commencent à se manifester, si l’on en croit Dr René Aubourg. Par ailleurs, il fait comprendre qu’en 2005, elle était même inférieure à 6 % avant de passer à 9 % l’année suivante. Donc, les problèmes se multiplient de plus en plus, le niveau de vie s’est, en moyenne, constamment détérioré. La structure de l’économie haïtienne a changé : le secteur agricole n’est plus la locomotive de l’économie, nous sommes plus « Un pays essentiellement agricole » vu les problèmes d’ordres politiques, structurels et socio-économiques auxquels notre secteur agricole est en proie, depuis de nombreuses années.
Problème politique
Dans presque tous les pays du monde, quel que soit le secteur d’activité économique, a besoin le support de l’état pour qu’il soit développé. On peut citer Marc et Tonny comme support à cette idée « […], pendant presque 30 ans, des politiques gouvernementales haïtienne ont négligé l’agriculture. En d’autres termes, l’abandon du secteur agricole au profit des activités politiques.
Problèmes structurels
Les agriculteurs (paysans) haïtiens ne trouvent pas les supports de l’état en termes d’encadrement et d’accompagnement dans la production agricole. L’agriculture haïtienne est jusqu’aujourd’hui à son stade traditionnel. Elle se fait au moyens d’outils agricoles rudimentaires, houes, pioches, serpettes etc. Les paysans manquent de tout, moyens et outils y compris semences de qualité et capital d’investissement.
La question brûlante de la problématique agricole est la question agraire. Les tentatives de quelques reformes foncières entreprises jusque-là n’ont rien à voir avec une réforme agraire véritable qui est pourtant l’une des mesures importantes pouvant permettre le remembrement du secteur. En dépit de la création de l’Institut National de la Réforme Agraire (INARA), les conflits terriens sont monnaie courante dans plusieurs zones du pays notamment dans l’Artibonite et dans les départements du Nord et du Nord ‘Est.
D’une part la libéralisation du marché a frappé en plein fouet la production nationale qui n’a pas su tenir dans la compétition entre les denrées en provenance des USA et de la République Dominicaine, mise à part de la vague contre bande tout le long de la frontière entre les deux (2) pays de l’île. Donc la libéralisation commerciale a donc renforcé davantage la dépendance d’Haïti à l’égard de l’extérieur.
D’autre part, en matière d’infrastructures hydro agricoles, la majorité des systèmes d’irrigation sont quasi dysfonctionnels ; beaucoup d’entre eux sont vétustes et ne peuvent plus assurer une alimentation suffisante des champs. Rappelons que les terres irriguées représentent seulement 2% de superficie totale potentiellement irrigable.
Problèmes socio-économiques
Compte tenu de la précarité de la vie de la population, l’arbre est de plus en plus considéré comme une source d’appoint immédiat.
En effet, le fort pourcentage de la couverture végétale qu’existait autrefois réduit considérablement et il n’est plus 1% et 2%, ces chiffres ne sont autres que le résultat de certaines revues amatrices. Si l’on se réfère aux informations diffusées en 2010 par la FAO, on verra bien ladite couverture devrait dépasser les chiffres de 10%. La misère noire de bien des familles pousse ces dernières à détruire les arbres.
Donc la coupe effrénée des arbres pour satisfaire le besoin d’énergie des ménages ou de la petite industrie (blanchisserie et boulangerie) n’aura d’autres effets que d’accélérer le niveau de déboisement de nos sols.
Par ailleurs, les paysans ne sont pas munis d’outils leur permettant de contribuer au renouvellement et à la régénération de la fertilité des sols. D’où, il s’en suit une détérioration de la capacité de production des terres et engendre une baisse de revenu et la décapitalisation des producteurs.
En conséquence, la majorité de nos jeunes laissant la terre à elle-même en milieu rural. Ils abandonnent ce milieu qui n’offre aucune opportunité de survie. Ils se réfugient généralement dans les zones urbaines et chez nos voisins en République Dominicaine, Nassau Bahamas …à la recherche d’un mieux-être.
Brièvement, cette situation de pauvreté et de dépendance alimentaire est favorable à toutes les formes d’insécurités dans le pays. Nous n’avons plus besoin d’avoir honte de le dire à haute voix aujourd’hui que la faim de la population haïtienne est insupportable, les récentes émeutes ont tout exprimé. Nous reconnaissons que la situation actuelle n’est pas un fait spontané mais les résultats des phénomènes macabres du « cercle infernal de la pauvreté absolue » qui se sont empilés.
Si maintenant les dirigeants veulent effectivement sortir le pays du marasme économique et soulager la population de cette faim chronique, ils doivent faire des choix, ils doivent être en mesure de définir les vraies priorités ; ce ne doit pas être les leurs, mais celle de la population. Ils doivent prendre des décisions politiques justes, responsables et de mener des mesures concrètes en faveur du secteur.
Sur ce, le Ministère de l’agriculture doit jouer son vrai rôle d’encadrement du secteur en dynamisant la recherche et en renforçant les infrastructures hydro agricoles et aussi en établissant une véritable liaison entre les différents acteurs de terrains ,bureaux, départementaux et communaux , les ONG en vue de créer une bonne synergie pour développer le secteur.
L’état haïtien doit montrer sa volonté réelle ; inévitablement, les intrants agricoles doivent être en grande partie subventionnés et disponibles en temps et lieux aux fins d’usage par les agriculteurs. Il doit faire de l’agriculture une priorité nationale avec une plus grande considération dans les budgets nationaux ; elle doit faire objet de grands projets avec des objectifs soutenus par l’état. Une réforme foncière est aussi importante pour mettre un terme aux conflits terriens et de valoriser de façon régulière des terres vacantes de l’État.
Il faut remplacer systématiquement les outils traditionnels par des moyens modernes, une agriculture avec la houe et la seule force de travail humaine est incessamment irrationnelle. Ces mesures pourront permettre une réduction du coût de production, une augmentation de la productivité et du coup rendent les produits haïtiens plus compétitifs.
L’état haïtien doit cesser d’être passif en prenant des mesures tarifaires et douanières, non en désaccord avec les règlements internationaux en matière de la circulation des biens et services auxquels il s’est engagé, de manière à protéger la nouvelle production nationale naissante comme bien d’autres pays le font.
De plus, les infrastructures routières doivent être aussi prise en compte .Car souvent les maigres productions sont parfois restées sur les exploitations à cause de nos routes qui sont en piteux état ou de l’inaccessibilité des zones urbaines en proie à une constante insécurité.
CONCLUSION
En somme, les problèmes décrits montrent clairement que l’agriculture haïtienne affiche effectivement son incapacité à répondre aux besoins alimentaires de la population, mérite d’être repensée. Si on pose le rôle fondamental de l’activité agricole dans le vécu quotidien de chaque peuple, on verra que toutes les nations qui sont réellement stables et indépendantes, ne le sont pas parce qu’elles ont uniquement beaucoup de ressources minières ou qu’elles ont des industries performantes, mais qu’elles ont une production agricole nettement supérieure à leurs demandes nationales. Donc pour ne pas dire l’USA et le Japon, dans une quinzaine d’années si l’on veut comme la République Dominicaine, qui a une agriculture pouvant répondre aux besoins alimentaires de son peuple. Il faut un projet assorti d’une planification qui établisse des objectifs tendant vers l’horizon de la sécurité alimentaire ou un projet qui tienne compte des pistes de solutions précitées. C’est à cette hauteur que la barre doit se situer si l’on veut faire preuve de lucidité dans la résolution de nos problèmes économiques.
RÉFÉRENCES
FAO, 2010, Evaluation des Ressources Forestières Mondiales 2010, Rome 44p.
JEAN BAPTISTE, Bonny. ‘’ Libéralisation commerciale et production agricole en Haïti ‘’ dans [http : // www.papda.org/article 261]
Thomas Lalime :’’Economie haitienne : Radiographie d’un désastre’’.
AUTEUR
Jimmy DÉLISCA
Ingénieur agronome
deliscajimmy74@yahoo.fr
deliscaj87@gmail.com