MICT : Plus de 30 mois d’arriérés de salaire pour les employés des Mairies en Haïti

LE SCIENTIFIQUE

Alors que certains employés du petit personnel (voiries et soutien) au niveau des mairies (municipalités) haïtiennes reçoivent moins de 15 dollars américains le mois (2,000 Gourdes), l’État haïtien via le Ministère de l’intérieur et des collectivités territoriales (MICT) ne se soucie même pas de ses dettes. Quant aux mairies possédant un personnel cadre avec au moins une qualification universitaire, ils ne reçoivent pas plus que 140 dollars américains soit 17,900 gourdes nets. Leur salaire n’est jamais valorisé depuis l’année fiscale 2013-2014. Delà, on se demande comment des employés et des fonctionnaires des mairies puissent avoir plus de trente (30) mois de retard de salaire alors qu’ils doivent subvenir à leurs besoins familiaux et remplir certaines fonctions municipales. N’ont-ils pas droit de manger, de payer les frais scolaires et universitaires de leurs enfants ? À trente (30) mois d’arriérés de salaire pour les employés des mairies d’Haïti, ça ne fait que confirmer l’incapacité, l’irresponsabilité et le cynisme des hauts dignitaires de l’État. Quelle est la part de responsabilité du premier ministre également ministre de l’intérieur et des collectivités territoriales en Haïti ?

En théorie, chaque salarié devrait percevoir le revenu de son travail à la même date chaque mois. Si en pratique, il peut arriver parfois que le salaire ne soit pas versé à temps, en Haïti, il arrive que le salaire ne soit pas versé même après trente (30) mois de travail avec quelques arrêts de travail de revendications. Est-ce un problème d’incapacité du premier ministre haïtien également ministre de l’intérieur et des collectivités territoriales, Ariel HENRY ?

Naturellement, un employeur a l’obligation contractuelle de payer ses employés pour leur travail. Lors du paiement du salaire, il est possible que l’employeur constate des problèmes de trésorerie ou commette des erreurs de gestion. Si ces événements rendent impossible de verser les salaires de ses employés à la date habituelle de paie, l’employeur encourt un retard de paiement de salaire. Mais pas jusqu’à trente mois de retard de paiement du salaire. Malheureusement, c’est le cas en Haïti où l’État n’est pas même conscient de ses dettes.

Un retard de paiement de salaire peut-il être justifié ?

Il est commun devant les juges, que les employeurs invoquent des difficultés financières causant des problèmes de trésorerie pour justifier le retard dans le paiement des salaires. Cependant, ces arguments sont systématiquement écartés par les juges : le paiement des salaires est l’obligation essentielle de l’employeur et les rémunérations sont des créances à caractère alimentaire. Dans le cas d’Haïti, l’actuel gouvernement fait l’éloge de l’état financier du pays, ceci dit que l’État haïtien a de quoi payer les dettes municipales surtout qu’il existe un fond pour les collectivités territoriales.

Peut-on décaler la date de paiement ?

Dans le respect des règles de périodicité, l’employeur ne peut pas unilatéralement décider de décaler la date de paiement des salaires. Même s’il prévient ses salariés du retard de paiement de salaire, celui-ci ne sera pas excusé. Par ailleurs, il n’est pas possible de signer un contrat avec le salarié dans laquelle il donne son accord au retard du paiement du salaire. Ce contrat ou cette clause contractuelle serait contraire à l’ordre public et donc nul/nulle. En principe, le code civil permet à un débiteur (comme l’employeur) vue sa situation difficile, de demander un report ou un échelonnement de sa dette (le salaire). Cependant, les juridictions sociales refusent d’accorder des délais de paiement supplémentaires pour les créances salariales.

Les Fonds Communaux servent-ils à payer les Mairies ?

Alors que les Fonds Communaux d’Haïti devraient aider dans le fonctionnement et l’investissement des mairies, il est bruit que l’État haïtien s’en sert à d’autres fins (détournement) via le Ministère de l’Intérieur et des Collectivités Territoriales (MICT) sous des prétextes d’apaisement socioéconomique et politique.

Alors qu’il existe un fond pour les collectivités territoriales, les Mairies du pays sont dépourvues de moyens qu’elles ont grandement besoin pour faire fonctionner leurs communes. Malheureusement, ce fond est naturellement utilisé à d’autres fins politiques, d’apaisement sociopolitique et parfois même au renforcement des groupes armés. Ce qui constitue une violation et un détournement de fonds, punis par la législation haïtienne. Souvent le MICT plaint de l’absence du Conseil d’administration des fonds des collectivités territoriales pour décider du mode d’utilisation de ces fonds, cependant le gouvernement remonte à une loi de 1996 pour utiliser ces fonds à d’autres fins. En majeure partie, une partie des fonds communaux est empochée par des particuliers et l’autre partie servira à financer la campagne de candidats pour les élections.

Pour rappel, plusieurs institutions dont le Gride, Citoyens sans frontière (CSF) et différentes personnalités ont dénoncé en mars 2016 la somme de quarante (40) à cent vingt (120) millions de dollars américains, provenant du Fonds de gestion et de développement des collectivités territoriales (FGDCT) qui ont été retenus ou détournés par les titulaires des ministères de l’Intérieur et des Finances.

CONCLUSION

Le retard aussi prolongé du paiement de salaire peut susciter des pratiques continues de corruption dans les administrations municipales. Il peut également diminuer la motivation des employés au travail. Il est à mentionner que le Ministère de l’intérieur et des collectivités territoriales fait surtout de la politique mais pas la gestion des collectivités territoriales. Certains suggèrent que les collectivités territoriales soient détachées du ministère politique de l’intérieur.

Auteur / autrice

  • Marc-Donald VINCENT

    Marc-Donald Vincent est spécialiste en gestion de projets. Il a obtenu une licence en sciences agricoles de l'Université Chrétienne du Nord d’Haïti (UCNH) en 2016, un diplôme d’études supérieures spécialisées (D.E.S.S.) en gestion des projets d'architecture et d'aménagement en 2020 et une maîtrise (M.Sc.A) en gestion de projets en 2021 de l'Institut des Sciences, desTechnologies et des Études Avancées d'Haïti (ISTEAH). Après son stage de recherche au Laboratoire de recherche en réseautique et informatique mobile (LARIM) de Polytechnique Montréal, il poursuit sa recherche doctorale en sciences de la gestion en Haïti à l'ISTEAH. Sa thèse doctorale porte sur les facteurs de succès et de sous-performance des projets publics mis en œuvre dans les pays à revenu faible et intermédiaire, cas d'Haïti. Aussi, Marc-Donald Vincent est président du Centre de Recherche Intégrée et Scientifique d’Haïti (CRISH) et du journal Le Scientifique promouvant la recherche scientifique en Haïti.

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