L’analyse politique entre dépérissement et risibibilité en Haïti

LE SCIENTIFIQUE

L’analyse politique constitue l’un des vastes domaines de recherches intenses de la science politique et revêt un caractère multidisciplinaire. Cette multidisciplinarité fait injonction au curieux voulant emprunter ce chemin scientifique pavé de complexités diverses de bien s’outiller avant de s’y lancer. Ainsi donc, elle entend puiser, et de fait, elle puise, par un très distingué et utile parasitisme, dirais-je, dans d’autres sciences telles l’histoire, la sociologie, la psycho-sociologie, la technoscience, l’anthropologie, la botanique, la médecine, la physique et j’en passe. Ce qui ne complique pas pour autant la vie du scientifique, mais qui l’enjoint à avoir une idée, quoique parfois restreinte et peu poussée, de ces différentes sciences qui nourrissent et gardent en vie le prestigieux champ de l’analyse politique qui s’attelle à décortiquer, à décrypter, à disséquer, à analyser, sans émoi ni passion, ni haine, ni amour effréné, le discours, l’expression politique et le comportement des acteurs dans un contexte ou dans une conjoncture donnée.

Pour ce faire, l’analyse politique aura recours, comme toute autre science, à des méthodes les unes les plus distinctes que les autres. Si l’analyste politique, dans ce cas, l’adepte scientifique, puise dans la linguistique pour déduire ou éclairer les lanternes de ses sujets à partir des émissions d’expression, des déclarations, des positions, du silence politique, du silence éloquent, du gestuel, des registres langagiers, de l’effacement temporaire de la scène politique, de la radicalisation des positions, du choix des vocables du politique, elle (l’analyse politique) embrasse le plus souvent des méthodes de déduction, d’induction, voire d’abduction (la plus rare chez nous). Elle peut, aussi, s’aggripper à la sémiotique, à la sémantique, à la communication politique.
Si le puisement se fait dans l’économie, la méthode peut changer, et ainsi de suite, car la compatibilité de la méthode pour laquelle pour laquelle on opte pour chacun des domaines peut jouer un rôle prépondérant. Autrement dit, l’analyse faite au prisme de la linguistique ne sera pas la même que celle faite à l’aune de la botanique, puisque les méthodes seront distinctes. On passe de méthode x à méthode z, au besoin et selon sa capacité, l’angle analytique choisi,, sa formation académique, son expérience, bref, sa triture. Elles sont légions, les méthodes utilisées pour analyser la vie politique et les éléments de son ensemble. Dans le cadre de cet article, on en verra trois ou quatre.

La méthode ou la démarche inductive

En utilisant l’approche inductive, l’analyste politique, que ce soit à la radio, à la télé ou sur les réseaux sociaux (très prisés de nos jours), va considérer les faits étant déjà sur le tapis ou sur son tapis, les données observables dont il dispose, pour les passer au peigne fin, les expliquer, les rendre claires à son public cible direct ou indirect; lesquels faits pouvant parfois être prouvés, ou consultés au besoin, par d’autres acteurs ou utilisateurs comme outils de travail, éléments d’études-extra, ou d’analyses plus approfondies. Car, même l’analyse politique peut faire objet, elle, d’analyse politique jusqu’à parvenir à l’infime partie, à l’élément le plus réduit qui soit permettant la compréhension en partie ou en tout du sujet, de l’action, du fait ou de l’événement analysé ou à analyser; d’ailleurs c’est ce qui fait la beauté de la science politique: mère de l’analyse politique. Dans l’induction, l’analyste peut considérer le brut pour arriver au raffiné, le général pour arriver au particulier, le vécu quotidien pour arriver à l’insolite en s’appuyant sur des méthodes généralement admises ou saisissables par la raison ou l’entendement humains: biens innés. Il peut advenir que l’analyste parvienne à faire œuvre qui vaille en utilisant une méthode jamais utilisée auparavant et donne des résultats fructueux, d’où la non-stagnation de la science, son évolution et sa continuelle vitalité.

La méthode ou la démarche déductive ou hypothético-déductive

Par cette méthode, l’analyste politique qui se respecte considère plusieurs hypothèses et, par des moyens scientifiques, les explique pour faire jaillir la lumière, éclairer les lanternes de son auditoire, de son assistance, avec toutes les marges d’erreur sous-jacentes que cette méthode peut porter en elle. Dans ce cas, il n’a rien d’autres en mains que ses suppositions qui le guident vers des conclusions, qui peuvent se révéler véridiques ou erronées. L’analyse politique, scientifique certes, n’accouche pas toujours les prévisions faites telles quelles, d’autant que le dynamisme de l’action politique même peut influer sur les données d’un jour à l’autre, d’une heure à l’autre, parfois comme un éclair. Un fait efface un autre. Une décision effondre un château d’espérance et donne naissance à d’autres phénomènes qui, eux-mêmes, vont en générer d’autres.

La méthode ou la démarche dite abductive

En procédant par l’abduction, l’analyste politique insère dans son mécanisme analytique des suggestions, encore sur une base hypothétique, qui peuvent être jugées utiles par certains, inutiles ou non nécessaires par d’autres. Ce sont des idées nouvelles, des consultations gratuites présentées en fonction de l’ambiance l’existante. L’analyste part de l’existant pour permettre à la science de continuer d’exister en y injectant son savoir, ses apports, ses découvertes, son savoir-faire, son être même dans l’idée d’orienter les données observées et observables. Dans ce précis cas, je parle d’analyste-créateur utile. L’abduction n’est pas toujours totalement empreinte de certitude par rapport aux résultats à obtenir à l’avenir, mais peut s’avérer être très utile dans l’interaction qu’exige la SOCIÉTÉ POLITIQUE (en termes d’espace de confrontations idéologiques, et d’idées économiques contradictoires entre les acteurs en vue d’une société de cohabitation interactive à tous égards).

La dernière méthode que je soulignerai ici, dans l’explication de l’analyse politique, est la méthode par torsion expresse et intéressée de l’expression et de l’action du politique. Cette dernière, perverse, funeste, outil de bataille de pensée politique contradictoire, ou outil de combat antagonique, reste courante dans les pays à haute précarité économique où les actes diffamatoires constituent une grande source de revenus et/ou d’enrichissement tentante, oú aussi l’on déstabilise l’adversaire par l’arme moderne de la communication, en utilisant le tranchant contondant. Source parfois de corruption. Elle consiste à ce qu’un détenteur de médium accule un Politique, tord le sens de ce qu’il dit pour contraindre ce dernier à payer de l’argent pour être absous après pour racheter son blason après l’avoir sciemment détruit ou après avoir déformé, tordu, le sens de son expression, de ses actes ou actions politiques.

C’est la méthode par laquelle l’utilisateur d’un médium donné capitalise sur son “pouvoir d’influence” pour faire des oeillades à l’homme ou à la femme politique, qui, s’ils refusent d’entrer dans le jeu peut être détruit; puis reconstruit au besoin.

L’analyse politique et le journalisme politique

Le journalisme politique est une forme de journalisme dont l’objet premier est la couverture de l’actualité politique et la vie publique. Il peut se pratiquer dans la presse audiovisuelle, écrite sur du papier, par internet, sur un site web, un bloc, sur des fora divers etc. En dépit de la multiplicité de formes sur lesquelles on peut le pratiquer, le journalisme politique n’est point l’analyse politique. Le journalisme ne saurait faire de l’utilisateur obligatoirement un analyste politique, même s’il peut avérer que beaucoup d’analystes politiques portent par défaut le chapeau de journaliste. L’origine exacte du journalisme n’est pas trop sûre. Dépendamment de l’école de pensée à laquelle on s’accroche. Certains, par habitude académique ou par influence, ont tendance à remonter à Saint François de Sales, jusqu’à lui attribuer la paternité de ce beau et grand métier. École, c’en est une et elle est très récente. Plus loin, en Grèce, on fait allusion à la dextérité d’Hérodote, le père de l’histoire occidentale moderne, et lui attribuer le même titre de ” journaliste “. Mais l’on n’oubliera pas, si on remonte aux scribes, en Mésopotamie, les premiers balbutiements du journalisme avant la lettre. Et là, l’analyse politique comme science n’a rien à voir avec le journalisme ou le journalisme n’a rien à voir avec l’analyse politique, champ politique. Si l’analyste politique est doté d’outils journalistiques, cela renforcera sa capacité, pourtant le journaliste s’efforcera davantage pour se hisser à l’étage de champ immense et complexe qu’est l’analyse politique.

La communication politique, l’analyse politique, le journalisme, la science politique et le droit ne siègent pas forcément à même loge, quoique proches les uns des autres.

Il peut arriver qu’un journaliste fasse une analyse juste, correcte, d’une situation politique, d’un fait, d’un évènement, d’une déclaration politique mais cela ne saurait, en aucun cas, faire de lui un analyste politique attitré si l’on considère le thème dans son champ comme discipline scientifique pluridisciplinaire à part entière.

Autrement dit et expliqué, s’il n’a pas d’autres cordes à son arc, liées aux sciences citées dans le premier paragraphe du présent article, ses méthodes de simple journaliste et outils fléchiront, failliront et pourront détruire la dénotation liée à L’ANALYSTE POLITIQUE, à coup sûr. Usurpation à outrance et galvaudage. Jusques à quand cesserons-nous d’être risibles aux yeux du monde? On tend à tout détruire ou rabaisser soit par ignorance soit par audace, soit par arrogance.

Auteur / autrice

  • Antoine NÉRILUS

    Antoine Nérilus est Enseignant, Normalien Supérieur, traducteur, interprète, diplômé en Gouvernance de l'État. Il a un Master en Sciences Politiques. Il est spécialisé en langues, lettres et politique.

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