Élection d’un président : le CPT respecte le projet du décret initial

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Suite à leur prestation de serment au Palais National d’Haïti et leur installation à Villa d’accueil en date du 25 avril 2024, les membres du Conseil Présidentiel de Transition (CPT) se sont mis tout de suite au travail en commençant par le choix d’un président ou mieux encore d’un coordonnateur du CPT. Alors que le choix de Monsieur Edgard Fils Leblanc comme président ou coordonnateur du conseil a été accepté par une majorité dans une approche consensuelle, certains secteurs estiment que la méthode suivie par le groupe majoritaire au CPT pour choisir Edgard Fils Leblanc par consensus ne respecte pas les décrets et accords politiques. Qu’en est-il réellement ? Est-ce que les décrets et/ou l’accord politique ne prévoient pas le consensus comme moyen d’élection d’un président au Conseil Présidentiel de Transition en Haïti ? Les secteurs contestataires ont-ils raison ou tort ?

Pour mieux comprendre si les décrets et/ou l’accord politique ne prévoient pas le consensus comme moyen d’élection d’un président au Conseil Présidentiel de Transition en Haïti, il est à rappeler qu’Haïti fait face à une crise multidimensionnelle imprégnée de l’incapacité du dernier gouvernement transitoire dirigé par le premier ministre Ariel Henry à réduire l’insécurité et organiser les élections démocratiques suite à l’assassinat de l’ancien président Jovenel Moïse. Considérant la chronicité de cette crise, un conseil présidentiel est désigné par les partis politiques et la société civile et religieuse sous les hospices de la Communauté des Caraïbes (CARICOM). Ce conseil est composé de neuf membres suivants :

  1. Monsieur Emmanuel Vertilaire, Représentant du Parti Politique Pitit Dessalines et du Réseau National des Paysans ;
  2. Monsieur Fritz Alphonse Jean, Représentant de l’Accord de Montana ;
  3. Monsieur Smith Augustin, Représentante du regroupement politique EDE-RED-Compromis historique ;
  4. Monsieur Leslie Voltaire, Représentant de Fanmi Lavalas ;
  5. Monsieur Laurent St Cyr, Représentant du secteur privé ;
  6. Monsieur Edgard Leblanc, Représentant du Collectif des partis politiques du 30 janvier ;
  7. Dr Louis Gérald Gilles, Représentant de l’Accord du 21 décembre ;
  8. Monsieur Frinel Joseph, Représentant (observateur) des organisations de la société civile ;
  9. Madame Régine Abraham, Représentante (observatrice) du Rassemblement pour une entente nationale et souveraine (REN).

Est-ce que les décrets et/ou l’accord politique ne prévoient pas le consensus comme moyen d’élection d’un président au Conseil Présidentiel de Transition en Haïti ?

Pour répondre à cette question, il faut remonter au projet de décret exhaustif que le dernier gouvernement devait publier. Ce projet de décret que tous les secteurs sociopolitiques validaient retrace l’organisation et le fonctionnement du Conseil Présidentiel de Transition. Toutefois, un décret succinct a été publié par le gouvernement déchu d’Ariel Henry. Ce décret ne tenait pas compte du fonctionnement et de l’organisation du CPT. Ce qui renvoyait le CPT une fois installé au projet décret portant création, organisation et fonctionnement du conseil présidentiel.

Dans ce projet de décret validé par les partis politiques signataires de l’accord, il est stipulé au septième article régissant la présidence du CPT que :

Les membres du Conseil Présidentiel procèdent, après leur installation, au choix du Président dudit Conseil par consensus. A défaut de consensus, il est élu à la majorité du corps (4/7), dans ce cas l’élection est valide pour le candidat arrivé en tête. Dans l’impossibilité, un second tour est organisé entre les deux premiers candidats. Le candidat ayant obtenu le plus grand nombre de voix est élu. Au second tour les votes doivent être exprimés pour l’un ou l’autre candidat.

Source : Article 7 du projet de décret portant création, organisation et fonctionnement du conseil présidentiel.

En conséquence, l’article 7 de ce projet de décret portant création, organisation et fonctionnement du conseil présidentiel donne raison au CPT quant à leur choix du consensus comme approche d’élection d’un président ou coordonnateur en leur sein. Car, ce article suggère des élections par suffrage uniquement s’il n’y a pas de consensus entre les membres signataires de l’accord. Par conséquent, une majorité active de 4 sur 7 Conseillers-Présidents a été constituée et dégage un consensus. Ce qui rend la décision du conseil présidentiel conforme au projet de décret et à l’accord politique dégageant le CPT.

Les autres secteurs contestataires ont-ils raison ou tort ?

Dire que les autres secteurs contestataires ont totalement raison ou tort serait complètement absurde. Car, ils s’inquiètent qu’une majorité contrôle tout au CPT et exclut de gré le groupe minoritaire dans la prise des décisions politiques importantes du pays. Ce qui ne serait pas bénéfique pour la démocratie et la bonne marche du CPT. Toutefois, le consensus que le groupe majoritaire dégage pour choisir un président ou coordonnateur du CPT par délibération n’a rien de contradictoire avec le projet du décret et l’accord  politique validés par les partis politiques signataires. Cependant, les membres du CPT et les partis politiques peuvent amender le décret portant création, organisation et fonctionnement du CPT y compris l’accord politique si besoin est, ce, afin de faciliter la bonne marche du CPT.

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Télécharger le projet de décret validé par les signataires de l’accord

 

Auteur / autrice

  • Marc-Donald Vincent est spécialiste en gestion de projets. Il a obtenu une licence en sciences agricoles de l'Université Chrétienne du Nord d’Haïti (UCNH) en 2016, un diplôme d’études supérieures spécialisées (D.E.S.S.) en gestion des projets d'architecture et d'aménagement en 2020 et une maîtrise (M.Sc.A) en gestion de projets en 2021 de l'Institut des Sciences, desTechnologies et des Études Avancées d'Haïti (ISTEAH). Après son stage de recherche au Laboratoire de recherche en réseautique et informatique mobile (LARIM) de Polytechnique Montréal, il poursuit sa recherche doctorale en sciences de la gestion en Haïti à l'ISTEAH. Sa thèse doctorale porte sur les facteurs de succès et de sous-performance des projets publics mis en œuvre dans les pays à revenu faible et intermédiaire, cas d'Haïti. Aussi, Marc-Donald Vincent est président du Centre de Recherche Intégrée et Scientifique d’Haïti (CRISH) et du journal Le Scientifique promouvant la recherche scientifique en Haïti.

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