Cap-Haïtien : Les grands projets qui vont concurrencer la République Dominicaine

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Voyage au cœur de la deuxième ville d'Haïti, Cap-Haïtien - Le Quotidien News

Malgré l’instabilité politique d’Haïti, Cap-Haïtien s’en est tiré d’affaire en devenant avec la commune de Milot les deux villes d’Haïti recevant le plus grand nombre de touristes à l’échelle nationale. Au cours de l’année 2023, Cap-Haïtien reçoit à lui-seul plus d’un million de touristes internationaux et nationaux. Pour la petite histoire, beaucoup de touristes visitant certaines communautés du Cap-Haïtien comme Labadie ne sont même pas informés s’ils sont en Haïti. Déjà, les communes de Milot et Cap-Haïtien aident Haïti ayant à date deux (2) patrimoines de l’humanité à concurrencer la République Dominicaine peu à peu en matière de tourisme. Qu’est-ce qui attire autant de touristes au Cap-Haïtien depuis des années ? Qu’est-ce qui devrait être fait pour réaménager la zone métropolitaine du Cap-Haïtien et ses environs ? 

Qu’est-ce qui attire autant de touristes au Cap-Haïtien depuis des années ? 

Après les communes de La victoire (31,35 km2) et Bas-Limbé (52,94 km2), la commune du Cap-Haïtien (53,50 km2) est la troisième commune la plus petite en termes de superficie dans le département du Nord qui renferme 19 communes. Néanmoins, malgré sa situation de mauvaise gouvernance due à la crise haitienne, Cap-Haïtien est avec Milot les des lieux les plus riches et diversifiés en patrimoines matériel et immatériel. Les atouts du Cap-Haïtien sont nombreux, car cette commune possède une magnifique baie que surplombe un morne et des édifices témoignant de sa prospérité historique. Cette ville a changé de nom plusieurs fois au cours de son histoire, en fonction de l’identité du pouvoir en place. Pendant la colonisation française, son nom fut Cap-Français et a été la capitale de la colonie de Saint-Domingue. Cap-Français fut baptisé Cap-Haïtien par Dessalines en Janvier 1804 suite l’indépendance du pays. Lorsque Henry Christophe devint roi, il en fit la capitale de son royaume du Nord et l’appelle Cap-Henri. Cap-Henri est redevenu Cap-Haïtien suite à la mort du roi Henry Christophe le 8 octobre 1820. Ainsi,Cap-Haïtien est la première ville d’Haïti à avoir été fondée bien avant sa création officielle en 1670, par le Français Bertrand d’Ogeron. Cap-Haïtien a été à plusieurs reprises la capitale du pays. D’après Eddy Lubin, les Amérindiens appelaient Cap-Haïtien à leur époque Guarico. Aussi, c’est au Cap-Haïtien que l’on dénombre la plus grande concentration de sites amérindiens. 

Cap-Haïtien est le lieu de la dernière bataille décisive conduisant à l’indépendance d’Haïti. Le lieu Vertières devient un patrimoine matériel et immatériel protégé en Haiti. En effet, le 18 novembre 1803, à Vertière, près du Cap-Français, au nord de l’île de Saint-Domingue, une bataille met fin à la tentative de Napoléon Bonaparte, Premier consul de la République française, de restaurer la souveraineté de la France sur l’île. A cet effet, l’armée française de Napoléon Bonaparte commandés par le général Donatien de Rochambeau capitulent devant les anciens esclaves, sous le commandement de Jacques Dessalines, le père l’indépendance d’Haïti. Après cette victoire, Saint-Domingue devient six semaines plus tard le premier État noir indépendant sous le nom d’Ayti (Haïti). 

En termes de nature, Cap-Haïtien regorge de très belle plages. Cette commune détient la plus grande station balnéaire du pays connue sous le nom de Labadie. Cette station balnéaire de Labadie est réputée pour ses 5 belles plages, son parc aquatique ainsi que ses nombreuses infrastructures touristiques, qu’il s’agisse de ses bars comme de ses restaurants. Sur place, la végétation est luxuriante et le décor est paradisiaque. Selon Air Caraibes, les touristes de passage s’y adonnent à de nombreuses activités aquatiques, comme la plongée sous-marine, le kayak de mer, le parachute ascensionnel ou encore le snorkeling. Aussi, il est possible d’assister à des spectacles et des activités culturelles directement inspirées de la tradition haïtienne et des danses folkloriques. Un marché artisanal permet aux touristes de rapporter chez eux quelques souvenirs. 

Pour la sécurité de tous, Labadie est une station balnéaire très protégée. D’ailleurs, ne vous attendez pas à y croiser de nombreux Haïtiens. Ces derniers n’y ont pas accès, à moins d’y travailler. Pour se rendre dans ce lieu, ils doivent avoir une accréditation. Pour vous mêler à la population haïtienne, il vous faudra donc parcourir quelques kilomètres, pour vous rendre par exemple à Cap-Haïtien. Cap-Haïtien jouit également les avantages de proximité qu’il a avec les deux principales communes suivantes :

  1. Milot hébergeant le patrimoine mondial le plus important d’Haïti, à savoir la Citadelle, le Palais Sans-Souci, le Complexe des Ramiers. Entre autres, la commune de Milot qui est très limitrophe à la commune du Cap-Haïtien détient l’un des plus grands centres hospitaliers du pays, Hopital Sacré-Coeur de Milot (HSCM). Aussi, elle détient le plus grand centre universitaire privé d’Haïti offrant une formation de la petite enfance (prescolaire) au doctorat (PhD), Institut des Sciences, des Technologies et des Etudes Avancées d’Haïti (ISTEAH). Milot est également l’une des communes ayant la plus bonne couverture végétale du pays. Cette commune possède en plus le plus grand jardin botanique du Nord (Jardin EMARI de Lory) et un bassin naturel dans la zone limitrophe Coronel connu sous le nom de Bassin Diamant. Ce nom Bassin Diamant s’explique par le fait que le roi Henry Christophe y avait fait jeter un tas de pierres précieuses avant son suicide. 
  2. Plaine du Nord hébergeant la zone mythique du Bois Caiman où a lieu la Cérémonie du Bois Caïman s’avère un patrimoine constituant le fondement de la liberté des esclaves haïtiens et surtout de l’humanité. Cette cérémonie organisée dans cette commune limitrophe au Cap-Haïtien a donné lieu à la plus grande révolution historique qui a changé le court de l’humanité est la révolution haïtienne. Alors que tous les pays du monde qu’ils soient blancs ou noirs acceptaient l’ordre injuste des choses jusqu’à la fin du 18e siècle, Haïti à elle-seule a eu le courage de combattre le bon combat et d’enclencher l’éradication de l’esclavage et des paradigmes esclavagiste, colonialiste et raciste. 

Entre autres, Cap-Haïtien est le principal lieu de la culture haitienne. Il possède les deux plus grands orchestres musicaux du pays : Orchestre Septentrional et Orchestre Tropicana d’Haïti sans énumérer l’origine capoise ou nordiste des plus grands tenors de la musique haitienne. En ce qui concerne les atouts culinaires, le Nord d’Haïti remporte la médaille internationale pour sa cuisine exceptionnelle et enrichissante. Il est à mentionner que la Mairie du Cap-Haïtien avec la contribution et l’attachement de la presse locale jouent en faveur de la promotion de la ville du Cap-Haïtien. Cette maitrise joue en leur faveur en drainant beaucoups de touristes internationaux et nationaux vers département du Nord d’Haïti. 

Qu’en est-il des chiffres de plus d’un million de touristes au Cap-Haïtien ? 

Pour certains, Cap-Haïtien comme chef lieu du département du Nord reçoit plus de deux millions de touristes chaque année. Toutefois, ce chiffre concerne les touristes nationaux et internationaux. En 2022, la station balnéaire de Labadie à elle-seule a accueilli 400 000 touristes avec 133 bateaux de croisière (SOLANO, 2022). Cette statistique ne tient pas compte des visiteurs locaux et nationaux. D’autres chiffres remontent les touristes nationaux venant des autres recoins du pays à plus de 600 000 haitiens et résidents étrangers. Pendant la semaine de la fete du Cap-Haïtien, cette ville reçoit plus 30 000 touristes au point que les hotels n’ont plus de places. 

Qu’est-ce qui devrait être fait pour réaménager la zone métropolitaine du Cap-Haïtien et ses environs ? 

Pour mieux concurrencer les villes touristiques de la République Dominicaine, des actions d’aménagement territorial devraient être entreprises par le gouvernement central et les gouvernements locaux (Mairie du Cap-Haïtien & Conseils d’administration des Sections Communales [CASECs]) pour augmenter sa performance en gestion territoriale. 

La mise en œuvre de diverses actions dans les communes (municipalités) haïtiennes requiert des moyens matériels, financiers, technologiques et humains (ressources humaines qualifiées). Toutefois, depuis la chute des Duvaliers, la population et les autorités haïtiennes perdent le sens des notions de la culture citoyenne et du bien commun. Comme l’administration centrale (exécutif = présidence et gouvernement), l’administration des collectivités territoriales (commune et sections communales) via les Mairies et les Conseils de l’Administration des Sections Communales (CASEC) n’est pas exempte de la crise de gouvernance que fait face Haïti. D’une part, les administrations communales exigent aux contribuables des redevances alors que cette population exige des services sous formes de projets et programmes auprès des administrations municipales.

En conséquence, notre analyse de la situation des administrations municipales et des contribuables montrent que toutes les deux parties peuvent faire des efforts pour le bien commun. D’abord, les contribuables assument qu’ils paieront leurs redevances si et seulement les mairies font des réalisations socioéconomiques et enclenchent le développement des communes. Du côté des mairies, les administrations municipales ne font rien pour collecter les principales taxes et redevances communales. Le cas de la commune du Cap-Haïtien est typique. Car, la mairie du Cap-Haïtien se contente seulement de la contribution des habitants du Centre-Ville du Cap-Haïtien en guise de toutes les trois (3) sections communales. Ainsi, les actions que devrait poser la Mairie du Cap-Haïtien de concert avec le gouvernement central et les mairies avoisinantes pour augmenter sa performance en gestion territoriale et concurrencer la République Dominicaine en matière de tourisme sont :

  • Création d’un site de décharge à Limonade ou dans une commune limitrophe du Cap-Haïtien ;
  • Relocalisation et construction de l’abattoir de Petit-Anse dans la commune de Milot ou Quartier Morin, et ce dans une zone non résidentielle ;
  • Extension du Marché de Petit-Anse (Abattoir) dans l’espace de l’abattoir de Petit-Anse qui devrait être relocalisé à Milot ou Quartier Morin ;
  • Asphaltage de la route inter communale de Galmant à Madeline pour déboucher le circuit sur la route intérieure de l’abattoir à partir de la zone Nan Gatab. Cette route pourrait aider à décongestionner la circulation sur la route nationale #3 ;
  • Bétonnage et canalisation en maçonnerie de diverses tronçons de route de Madeline, Guy Malary, Nan Gatab, Abattoir, Petit-Anse, Carrefour la chaux, Nan Tasso, Ti Charit, Aviation, Kraze Zo, Fort St-Michel, Haut du Cap, Breda, Vertières, Blue Hills, etc. ;
  • Organisation de concours inter quartiers (habitations) sur la salubrité des habitations ;
  • Relocalisation et construction du Commissariat de Lòt Bò Pon à Carrefour Madeline dans le terrain déjà réservé à cet effet avec l’aide du secteur privé et de la diaspora du Cap-Haïtien ;
  • Organisation des activités socioculturelles dans toutes les trois sections communales pour créer une bonne cohésion sociale et découvrir de nouveaux talents capois ;
  • Aménagement du Parc St Victor du Cap-Haïtien (lumière, vestiaire, tribunes, etc.) pour qu’il puisse respecter les normes de la FIFA ; 
  • Aménagement et agrandissement du Parc Résigné de Milot (gazon, lumière, vestiaire, tribunes, etc.) pour qu’il puisse respecter les normes de la FIFA ; 
  • Collecter les impôts locaux de la CFPB dans toutes les sections communales du Cap-Haïtien ;
  • Augmenter le personnel de la Mairie en ressources humaines pour effectuer les dépistages de maisons habitables et en construction (CFPB et permis de construire) et les dépistages d’entreprises fonctionnant dans la commune pour leur exiger un permis de fonctionnement municipal via le paiement d’une redevance, laquelle autorisation leur donnera annuellement droit à la patente de la DGI ;
  • Augmenter le personnel de voirie de la Mairie dans toutes les trois sections pour assainir régulièrement la ville et transporter les ordures dans le site de décharge provisoire ; 
  • Extension de la route de l’aéroport du Cap-Haïtien en 4 voies aller et 4 voies retour (en somme huit voies) ;
  • Aménagement d’un parking sur le boulevard de la rue 5 ;
  • Relocalisation du Marché de la rue 9 à Milot ou Quartier Morin ;
  • Aménagement du marché de tourisme de la rue 9 ;
  • Reprise et aménagement de la place publique de la rue 3 (plus de marché sur cette place publique et à la Fossette) ; 
  • Extension et asphaltage de la route SOS Madeline à Haut-du-Cap pour décongestionner le transport vers le centre-ville du Cap-Haïtien ;
  • Finaliser la route touristique de la baie de l’Acul-du-Nord à Milot devant amener les touristes de Labadie à la Citadelle Henry. Les travaux d’asphaltage de cette route étant à 50 % de finalisation s’est arrêté depuis plusieurs années à la fin du règne de René Garcia Préval ; 
  • Aménagement et controle des nouvelles zones d’extension de la ville du Cap-Haïtien pour combattre les bidonvilles. Des zones comme Carrefour des pères, Distout, Limonade, Quartier Morin, Plaine du Nord demandent une attention urgente ;
  • Construction d’une discothèque (nightclub) dans l’une des communes limitrophes du Cap-Haïtien de concert avec les grands tenors de la musique haitienne d’origine capoise ou nordiste. Cette discothèque peut avoir une capacité de 4 000 personnes. Ce projet peut se faire sous forme d’actionnariat ; 
  • Renforcement de l’EDH pour qu’il puisse remplir sa mission sociale. 

    En somme, avec des stratégies participatives intégrant la population capoise, la mise en œuvre de ces actions ne serait pas difficile. Car, des membres du secteur privé et de la diaspora aideraient dans le financement de certains projets. Le gouvernement central et des bailleurs de fonds dans leur attribution renforceraient techniquement et financièrement la Mairie du Cap-Haïtien et les autres Mairies limitrophes. Car, agir seulement sur la commune du Cap-Haïtien n’aidera pas forcément à concurrencer le tourisme de la République Dominicaine alors qu’Haiti possède beaucoup plus d’atouts touristiques que cette dernière. Il faut nécessairement faciliter la création d’autres grandes industries touristiques dans le pays. En agissant ainsi, la confiance qui sera créée chez les contribuables les inciterait à payer leurs redevances municipales. Donc, plus la Mairie du Cap-Haïtien et les communes limitrophes du Cap-Haïtien offrent des services à la population capoise, plus la population sera consciente de participer dans le développement local et des Haitiens et étrangers seront plus confiants à prendre des risques dans d’importants investissements de capitaux dans la zone métropolitaine Cap-Haïtien, Milot, Limonade, Quartier Morin et Plaine du Nord. Il est à rappeler que ces communes constituent le pole de développement du Nord. 

    ÉDITEUR / ÉDITRICE

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    Marc-Donald VINCENT
    Marc-Donald Vincent est spécialiste en gestion de projets. Il a obtenu une licence en sciences agricoles de l'Université Chrétienne du Nord d’Haïti (UCNH) en 2016, un diplôme d’études supérieures spécialisées (D.E.S.S.) en gestion des projets d'architecture et d'aménagement en 2020 et une maîtrise (M.Sc.A) en gestion de projets en 2021 de l'Institut des Sciences, desTechnologies et des Études Avancées d'Haïti (ISTEAH). Après son stage de recherche au Laboratoire de recherche en réseautique et informatique mobile (LARIM) de Polytechnique Montréal, il poursuit sa recherche doctorale en sciences de la gestion en Haïti à l'ISTEAH. Sa thèse doctorale porte sur les facteurs de succès et de sous-performance des projets publics mis en œuvre dans les pays à revenu faible et intermédiaire, cas d'Haïti. Aussi, Marc-Donald Vincent est président du Centre de Recherche Intégrée et Scientifique d’Haïti (CRISH) et du journal Le Scientifique promouvant la recherche scientifique en Haïti.
    https://www.lescientifique.org