En 1814, au pied du Caïmitier royal de Milot, le prestigieux et progressiste roi Henry Christophe a jugé et exécuté Franco de Médina travaillant pour le compte de la France pour espionnage. Il devait faire pression sur le royaume du Nord afin de payer une rançon pour que la France eût reconnu l’indépendance du Nord ou pour faciliter le retour de l’esclavage dans le royaume du Nord sous la hiérarchie française. À cet effet, cet article retrace l’histoire du Caïmitier royal de Milot connu sous le nom de l’arbre de justice du royaume du Nord sous Henry Christophe après avoir vécu plus de deux cents ans.
Rappelant qu’Haïti est l’un des pays ayant une richesse extraordinaire en patrimoines matériels et immatériels, en 1982, plus de 25 kilomètres carrés du Parc National Historique Citadelle/Sans-Souci/Ramiers est classé patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO. Contrairement à ce que bon nombre de gens pensent au sujet de cet ensemble patrimonial, il n’y a pas seulement la Citadelle Henry qui s’avère un patrimoine mondial haïtien dans ce Parc, il y en a plein d’autres encore comme le Palais Sans-Souci de Milot, le Site fortifié des Ramiers, la chapelle royale de Milot, une zone clé de biodiversité (ZCB), etc. En plus, dernièrement, soit le 16 décembre 2022, la soup joumou, appelée aussi soupe au giraumont étant un plat traditionnel et symbolique en Haïti, est, en effet, inscrit sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité.
Toutefois, la chronicité de l’instabilité sociopolitique et la mauvaise gestion qui caractérisent malheureusement Haïti depuis plusieurs décennies diminuent l’intérêt des dirigeants haïtiens sur la question patrimoniale voire la dignité humaine des Haïtiens.
Le Caïmitier, l’arbre de justice du royaume du Nord sous Henry Christophe, est déraciné après plus de deux cents ans
Suite aux pluies qui se sont abbatues dans le Nord d’Haïti dans la nuit du 19 et 20 décembre 2023, l’arbre de justice, le Caïmitier royal de Milot, qui se trouve au Palais Sans-Souci de Milot est déraciné. Pour la petite histoire, cet arbre fait partie de l’ensemble du patrimoine mondial de l’humanité que possède Haïti. C’est l’un des plus anciens arbres que possédait Haïti. Le Caïmitier a eu plus de deux cents ans.
En 1982, l’UNESCO et le Centre du patrimoine mondial ont finalement reconnu que le Parc National Historique Citadelle/Sans-Souci/Ramiers (PNH-CSSR) réunissait deux sur dix critères en guise d’un seul pour être reconnu comme patrimoine mondial. Voici les deux critères qu’il réunit :
- Critère 4-. offrir un exemple éminent d’un type de construction ou d’ensemble architectural ou technologique ou de paysage illustrant une ou des périodes significative(s) de l’histoire humaine ;
- Critère 6-. Être directement ou matériellement associé à des ou des traditions vivantes, des idées, des croyances ou des œuvres artistiques et littéraires ayant une signification universelle exceptionnelle.
Comme de fait, l’ensemble des constructions et de la biodiversité du Parc est reconnu comme un héritage de l’humanité entière. Il est à rappeler que c’est sous ce Caïmitier du royaume du Nord que le roi Henry Christophe (Henri 1er) prenait l’habitude de rendre justice expéditive. Car, c’est au pied de cet arbre bicentenaire que le roi Henry Christophe recevait des doléances, rendait justice à ses sujets. Aussi, c’est à ce lieu symbolique qu’on lui offrait certains spectacles, dont des danses, déclamations, concerts, théâtres, etc.
Cet arbre était l’élément principal de la Cour du Caïmitier située à proximité du château connu sous le nom de Palais de Sans-souci et de la Chapelle royale de Milot. Dernièrement, soit dans la nuit du 12 avril 2020, le dôme de la chapelle royale fut incendiée et détruite, aujourd’hui c’est l’arbre bicentenaire qui est déraciné. Là encore, la Citadelle Henry et le Palais Sans-souci requièrent des interventions urgentes en vue de leur conservation et protection face aux séismes et catastrophes naturelles.
Ce caïmitier royal est arbre est un arbre historique et emblématique. Certes, il a plus de 200 ans. Mais, les gens qui connaissent bien l’histoire du royaume du Nord disent encore que cet arbre existe bien avant la construction du Palais de Sans-Souci. D’après l’histoire, c’est également sous ce même arbre que Henry Christophe, en 1814, a jugé et exécuté l’émissaire, l’espion, Franco de Médina, envoyé par la France pour faire pression sur le royaume du Nord afin de payer une rançon pour que la France eût reconnu l’indépendance du Nord ou mieux encore pour négocier le retour du royaume du Nord dans le giron français.
Dix ans après l’indépendance d’Haïti et sept ans après la scission d’Haïti, le Roi Louis XVIII voulait reprendre le contrôle d’Haïti, son ancienne colonie révoltée contre l’esclavage, le colonialisme et le racisme. Dans cette dynamique, le Ministre des colonies et de la marine, Malouet, envoya le nommé Franco Agoustine dit Medina dans le royaume du Nord dirigé par Henry Christophe pour négocier le retour de cette partie du territoire sous le contrôle de la métropole française. Parallèlement, il envoya Dauxion Lavaysse auprès du président Alexandre Pétion dans l’Ouest et Dravermann dans le Sud auprès du général Borgella.
Dans le royaume du Nord, une commission militaire spéciale a été créée, à cet effet, par les autorités royales pour juger Franco de Medina. En suite, il a été jugé et fusillé pour espionnage conformément aux lois du Royaume de Sa Majesté Henri Ier. Par contre, dans le Sud et dans l’Ouest, les envoyés du Roi de France ont été aimablement renvoyés dans leur pays.
Bien qu’il y a eu quelques efforts de conservation de cet arbre par l’Institut de Sauvegarde du Patrimoine National (ISPAN), le fameux caïmitier royal de la cour du Palais du Sans-Souci de Milot n’a pas pu résister aux assauts du vent et des pluies qui se sont abattus sur la région Nord du pays. De ce fait, l’État haïtien doit éviter que les menaces de déclassement de ce patrimoine mondial par l’UNESCO et le Centre du Patrimoine Mondial soient effectives à cause de l’absence d’une structure de gestion dans le Parc National Historique Citadelle/Sans-Souci/Ramiers depuis juillet 2022.
Les caractéristiques physiques et biologiques du PNH-CSSR
Le Parc National Historique Citadelle/Sans-souci/Ramiers (PNH-CSSR) est une zone réservée décrétée par la Loi du 7 Août 1962. Il constitue une réserve naturelle avec un relief composé de montagnes, plateaux, plaines, rivières, ravines, grottes, chutes, cascades, etc. Sa faune et sa flore comportent des espèces rares et en voie d’extinction. Il s’agit d’un parc naturel en lui-même remarquable, comportant une biodiversité exceptionnelle. La chaîne de montagnes du Bonnêt-à-l’Évêque est souvent évoquée pour ses caractéristiques. La flore du parc comporte environ 55 espèces d’orchidée et « 180 espèces de plantes dont de nombreuses médicinales utilisées par les habitants de la région ». Tandis que la faune comprend « 28 espèces d’oiseaux dont 9 espèces endémiques, des reptiles et amphibiens. C’est une des rares régions du pays où les deux espèces de tordiers (Todussubulatus et T. angustrirotris) cohabitent ».
Y-a-t-il moyen de conserver encore cet arbre déraciné ?
Vu la pauvreté sévissant dans l’aire du PNH-CSSR, il est de bon ton que l’ISPAN, le Ministère de la Culture, les autorités locales et toute la population de la zone empêchent aux gens d’abattre cet arbre à la machette mais le sécurise plutôt afin d’en faire un musée protégé.
En somme, il revient aux gouvernements haïtiens, locaux et national, de mettre en oeuvre de nouvelles politiques intégrées et participatives de conservation et de gestion de ces monuments. Car, l’État central devra coûte que coûte déconcentrer la gestion de ces patrimoines. Car, il est temps que Milot possède une structure autonome de gestion du Parc National Historique Citadelle/Sans-Souci/Ramiers qui s’étend sur quatre communes, à savoir Milot, Dondon, Plaine du Nord et Grande Rivière du Nord. Il adviendra qu’une bonne gestion de ce Parc diminuera de tels incidents (incendies, brulis de forêts, scènes de violences, conflits armés entre habitations du Parc, profanation des lieux sacrés du Parc, etc) qui se répètent trop souvent dans l’aire d’un Parc habité par des populations très vulnérables et vivant en dessous du seuil de pauvreté.