Le rôle de la mission diplomatique française en Haïti et les nouvelles orientations de Macron

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L’idée partagée par la majorité des haïtiens dans le contexte actuel est que la communauté internationale à travers les diplomates extrémistes du Core Group met en œuvre une stratégie de chaos en Haïti. Depuis l’assassinat du président Jovenel Moise en 2021, la violence des gangs a augmenté de façon exponentielle et la crise politique parait de plus en plus être dans une impasse avec les agissements de la communauté internationale. Au lieu d’aider les Haïtiens à parvenir à un accord suffisamment consensuel pour une solution globale, ces diplomates ont préféré depuis plus de 20 mois soutenir sans réserve un gouvernement inapte, impopulaire et corrompu.

L’attitude de Macron

Dans ce Cadre, il est important de souligner le rôle moteur de la diplomatie française dns la consolidation de cette situation de crise tenant compte des nouvelles orientations de la France suite à de nombreuses visites du Président Macron sur le Continent Africain.

Le président cherche à définir un nouveau paradigme a travers la rupture des relations traditionnelles de la France Afrique et tous les corollaires de domination, d’arrogance, d’impérialisme, de pillage des ressources naturelles, etc.
Dans une déclaration au palais présidentiel de l’Élysée, le président a appelé à un partenariat renouvelé avec les pays africains face à l’influence croissante de la Chine et de la Russie en Afrique.

Dans une position d’humilité comme ce fut le cas dans la 27ḕme Commémoration du génocide rwandais de 1994 ou une commission d’historiens dirigée par Vincent Duclert le 26 mars 2021 a pointé du doigt les responsabilités accablantes de la France quoique soulignant l’absence de complicité dans ce génocide. Dans ce cadre, Macron pense que la France doit se réinventer et s’adapter en admettant de nombreuses erreurs historiques dans le passé. Il a prôné un partenariat plus respectueux avec l’Afrique et les autres pays du tiers monde et a même assumé des responsabilités militaires exorbitantes. Il faisait référence sans nul doute au chaos provoqué par l’intervention française de la Libye en 2012. Selon l’Élysée, la France opte désormais pour une redéfinition de sa présence militaire en Afrique. Après le retrait des troupes militaires au Mali et Burkina Faso, il n’y aura plus d’établissement de nouvelles bases militaires selon les nouvelles orientations de la diplomatie française. Ce nouveau modèle veut aider les autres pays a faire face à un ensemble de défis dans les domaines suivants : climat, sécurité, santé et démographie, etc.

Pourtant, dans cette conjoncture nous constatons que la mission diplomatique française en Haïti est en totale dissonance avec les nouvelles orientations définies par l’Élysée. Cette mission constitue le plus fort soutien international de l’actuel pouvoir. Elle ne rate jamais l’occasion pour parler de consensus entre les acteurs haïtiens, pourtant utilise toutes les stratégies pour entraver les efforts de consensus sincère entre les haïtiens et appuyer des solutions boiteuses comme ce fut le cas de l’accord du 21 décembre 2022 entre le pouvoir et son clan.

Dans ce cadre, nous n’avons pas été surpris de voir avec quelle rapidité l’ambassade de France a défendu cet accord à travers une note collective avec les ambassadeurs de l’Union européenne (UE) malgré les irrégularités, les fausses promesses, le manque de participation des secteurs vifs et l’impossibilité pour que cet accord de crée le minimum de consensus. Ils ne se préoccupent pas de la complicité des groupes économiques puissants avec la violence des gangs, de la corruption endémique sous ce régime, de l’impunité dont jouissent les criminels en col blanc sanctionnés par certains pays. Les notions de droits humanitaires et d’assistance aux personnes en danger face aux assauts des groupes armés n’en font pas partie de leurs vocabulaires. L’objectif c’est de maintenir la ligne de cette démocratie sur mesure pour l’organisation de fausses élections en vue de placer leurs laquais au pouvoir.

Nul besoin d’être magicien pour prédire les résultats qui sortiront de ces manœuvres diplomatiques dont la France est le principal artisan. Le chaos est semé pour récolter la pauvreté, la société d’exclusion et le renouvellement de l’instabilité institutionnelle pour un nouveau cycle de 30 ans avec de nouveaux parlementaires trafiquants de drogue, des maires liés à des gangs criminels, de chefs d’etat contrôlés par des oligarques contrebandiers, antinationaux et corrompus.

Le Président Abinader

Nous profitons de cette réflexion pour souligner la position du Président Abinader qui dans une déclaration affirme que la communauté internationale n’a aucune volonté d’aider les haïtiens à résoudre cette crise. En ce sens, nous pensons que les voisins proches d’Haïti, notamment les pays de la CARICOM et la République Dominicaine, de par leurs intérêts stratégiques, devraient anticiper la déstabilisation d’Haïti par les extrémistes du Core Group et prendre position pour une solution durable à cette crise ayant des répercussions régionales.

On se questionne sur les raisons qui motiveraient la Diplomatie Française a soutenir tout ce que le peuple haïtien a rejeté à travers ses différentes manifestations, et ce, malgré les nouvelles orientations diplomatiques de l’Élysée qui semblent être plus respectueuses de l’autodétermination des peuples ? Dans ce cas nous avons 2 hypothèses :

  1. Haïti a été une ancienne colonie de la France pendant plusieurs siècles. Après son Indépendance, une double dette a été imposée par la France à Haïti pour reconnaître l’Indépendance. Haïti a pris plus de 150 ans pour liquider cette dette qui sacrifié le bienêtre de nombreuses générations de ses citoyens. Ce fait historique qui a un impact négatif Haïti constitue un poids moral pour l’image de la diplomatie française. Ainsi, rechercheraient-t-ils des laquais pour empêcher toute tentative d’agiter ce dossier et réclamer de compensations morales et financières.
  2. La perte de l’influence française en Afrique est un symbole de l’échec de la diplomatie française. Après les Américains, les Français sont les acteurs les plus importants en Haïti en raison des facteurs culturels. Ils considèrent Haïti comme leur arrière-cour qu’il convient de maintenir sous leur emprise. Dans ce cadre, l’émancipation de la société haïtienne constituerait une menace et une désobéissance à leur droit d’ingérence naturelle.

Nous terminons en affirmant que le peuple haïtien aspirait à une amélioration de sa qualité de vie, a la sauvegarde de ses traditions et à la récupération de sa souveraineté. Ces aspirations justes et équitables ne constituent en aucune manière une menace stratégique ou géopolitique pour les intérêts de la France et de ses alliés du Core Group. Il est temps que ces alliés comprennent que ce peuple sacrifié, humilié et exploité ne renoncera jamais à son droit pour l’autodétermination. C’est un peuple qui veut être le moteur de son propre processus de développement en vue d’une existence digne.

ÉDITEUR / ÉDITRICE

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Jean Gary DENIS
Jean Gary DENIS est Sociologue et Historien. Aussi, il est directeur exécutif de l'Institut Haïtien d'Observatoire des Politiques Publiques (INHOPP).
https://www.lescientifique.org