Le peuple d’Haïti demande des comptes à la communauté internationale et à l’État Haïtien

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La grande nouvelle vient d’Haïti où l’État haïtien et la communauté internationale sont sommés de rendre des comptes sur la gestion des fonds publics et des projets dans un délai de 8 jours. À travers un ultimatum, le peuple haïtien via des organisations de la société civile plus ou moins impartiale demande des comptes à l’État Haïtien et à la communauté internationale comme condition essentielle d’une bonne gouvernance. Pour les organisations de la société civile signataires : « Le droit à l’information publique est un droit de l’Homme fondamental ». Dans cette optique, ces organisations exigent de la communauté internationale et de l’État haïtien, dans un délai de huit jours, des rapports détaillés sur les fonds alloués à Haïti, ainsi que la conformité des normes et des procédures dans les opérations financières entre 2020-2024 et les réalisations afférentes. Les sections suivantes présentent l’intégralité de la note des organisations de la société civile haïtienne.

Ouanaminthe, le 16 février 2024

Nous, les organisations et personnalités de la société civile en Haïti, signataires de la présente :

Mouvement Mutation Haïti (MMH), ayant son siège social à Ouanaminthe, identifié au CIF : 100000102548 ;

Inisyativ Patriyòt Maryen (IPAM), ayant son siège social à Limonade/Destouche ;

Action pour la Reforestation et la Défense de l’Environnement (ARED),

Òganizasyon Reveye nan Okap,

Federasyon Mouvman Demokratik Katye Moren (FEMODEK),

Ayant pour avocats constitués : Me Emmanuel Raphaël (représentant MMH), Elitex Bolivar, Me Hérald Myrtil, Me Thony Desauguste, avocats des Barreaux de Fort-Liberté, Grande Rivière du Nord, Cap-Haitien, Petit-Gouave, respectivement identifiés et patentés aux numéros : 006-959-973-3; 003-205-977-3, 004-906-254-4,004-551-116-6, 004-640-004-6, 004-551-116-6, I4042455, 002-959-450-1, 22407004386 du Cabinet d’Avocats Mutation, sis au # 8, route de Capotille, Ouanaminthe, Haïti ; avec élection de domicile au Cabinet Gervais Charles, rue Cheriez, # 11, Bois-Patate, Port-au-Prince, Haïti

Soumettons la présente sommation au Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH), à la Banque Mondiale, au Fonds Monétaire International (FMI), à la Banque Interaméricaine de Développement (BID), au Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), à l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), à l’Union Européenne (UE), à la CARICOM, aux États-Unis d’Amérique, à l’État Canadien, à l’État Français, au Royaume d’Espagne, aux membres du Gouvernement de fait Ariel Henry, à la Direction Générale des Impôts en Haïti, à la Banque de la République d’Haïti (BRH), à la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif, à l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC), à l’Unité Centrale de Renseignements Financiers, à l’Office Protection Citoyen (OPC), aux institutions haïtiennes autonomes ou indépendantes bénéficiaires directes des dons, services et subventions internationales, chacun en ce qui le concerne ;

Première partie

Que par la présente, nous, les organisations et personnalités du peuple haïtien, demandons aux États, institutions nationales et internationales susmentionnées :

D’avoir, dans un délai de huit (8) jours francs, à soumettre, publiquement, à la société civile, et à l’adresse sus-indiquée, chacun en ce qui le concerne :

  1. Le rapport des travaux réalisés au nom ou au bénéfice du peuple haïtien, durant les années 2020-2024 ;
  2. Les montants détaillés des fonds octroyés à l’État haïtien, les subventions en matériels et ressources humaines des ateliers et séances de formations en faveur des institutions et organismes de l’État ;
  3. La conformité des normes et les procédures suivies dans les opérations, les partenariats et les échanges bilatéraux ;
  4. Les prêts à intérêt ou toute autre obligation octroyés à Haïti au regard des conditions ;
  5. L’ensemble des projets financés, exécutés ou en cours d’exécution (montant, durée, bénéficiaires, résultats obtenus), ainsi que la liste exhaustive des programmes, contrats, protocoles, accords et conventions signés avec Haïti ;
  6. Les subventions en faveur de la Police Nationale d’Haïti ;
  7. Les supports financiers, les aides directes octroyées en espèce ou en nature aux organismes de l’État, institutions autonomes ou indépendantes, ainsi que les formalités, protocoles et contrats qui les déterminent ;
  8. Le bilan détaillé de toutes les dépenses publiques pour la période allant d’aout 2021 au mois de janvier 2024, en précisant les recettes, leur source, la destination de chaque fonds public, les réalisations par montant dépensé et leurs bénéficiaires ;
  9. Le bilan annuel des opérations de la Banque Centrale, ainsi que de tous autres comptes consolidés de l’État haïtien de 2021 à 2024;
  10. Les recettes de la DGI, de la Douane, par région et par période, ainsi que leur affectation ;
  11. Les taxes prélevées sur les transferts de fonds des Haïtiens vivant à l’étranger, ainsi que leur affectation ;
  12. Les subventions accordées par l’État haïtien aux fonctionnaires et organismes publics et privés, les indemnités individuelles de fonction, les déplacements et voyages, les assistances sociales, les transactions sur cartes de débit, la liste effective et actualisée des agents publics en fonction en décembre 2023, les véhicules et matériels de l’État ;

À bien noter :


  • Que dans un mémorandum daté du 4 avril 2022, revêtu de la signature du Premier Ministre de fait Ariel Henry, nous lisons : « Nous venons de négocier un programme de référence avec le Fonds Monétaire International (FMI) …. L’accompagnement du FMI, à travers la signature de ce programme, jouera un rôle catalyseur …. » ;
  • Sur le site officiel du FMI, il est indiqué : « Le 29 juin 2023, la direction du Fonds monétaire international (FMI) a approuvé la mise en place, jusqu’en mars 2024, d’un programme de référence en faveur d’Haïti. Ce nouveau programme de référence de neuf mois s’appuiera sur les avancées réalisées durant le précédent programme de référence, qui s’est achevé de manière satisfaisante en mai 2023, et devrait contribuer à la stabilité macroéconomique d’Haïti …. C’est beaucoup plus qu’une affaire courante, n’est-ce pas ?
  • Le Conseil d’Administration du FMI a approuvé un décaissement de 111,6 millions de dollars en faveur d’Haïti pour aider le pays à faire face à la pandémie de COVID-19. Pour quel bilan aujourd’hui ?
  • La Banque mondiale s’est engagée à remettre à Ariel Henry environ 300 millions de dollars pour venir en aide à Haïti dont l’économie frôle la dépression. Quel bilan ? C’est beaucoup plus qu’une affaire courante, n’est-ce pas ?
  • Que des rapports sur Haïti, incomplets et insuffisants, sont déjà disponibles sur le site de l’Ambassade des États-Unis, la Banque Mondiale et le FMI ;
  • Que la signature d’un document habilite tous ses signataires à détenir ledit document. Que toute réalisation d’un projet au nom d’un bénéficiaire confère à celui-ci le droit d’être informé de tous les détails dudit projet et de se procurer les documents y relatifs. Et la coopération internationale, par le partage des données publiques et les pratiques de transparence, l’impose.

Deuxième partie : motivation juridique nationale et internationale

Qu’au nom du principe de la transparence de la vie publique, principe du droit international public, l’obligation des rapports des fonds publics;

  1. Que les documents signés avec Haïti engagent la nation haïtienne et non le Gouvernement actuel, s’agissant d’un acte public dont les conséquences s’étendront sur plusieurs générations ;
  2. Que l’absence du Parlement et des autres organes de contrôle ne dispense point le peuple haïtien de son droit à l’information publique ;
  3. Que les citoyens sont incontestablement maitres de la chose publique. Il ne peut y avoir de secret dans la chose des citoyens. Ils délèguent l’exercice de la souveraineté nationale aux Pouvoirs organisés (Art. 59 Const. H.), tout en restant invariablement et incessamment détenteurs de la souveraineté nationale. Les citoyens agglomérés en peuple ont droit aux informations publiques. Le peuple est le mandant. La souveraineté ne peut être aliénée. Les élus et fonctionnaires en sont les mandataires. S’agissant d’un Gouvernement de fait, il n’est astreint qu’aux affaires courantes ;
  4. Chaque citoyen doit avoir accès individuellement aux informations publiques conformément aux principes universels consacrés par les lois haïtiennes, au Code civil en son article 1757 : « Tout mandataire est tenu de rendre compte de sa gestion, et de faire raison au mandant de tout ce qu’il a reçu en vertu de sa procuration, quand même ce qu’il aurait reçu n’eut point été dû au mandant ».
  5. Ce principe est corroboré par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 en son article 15 : « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration » ; Puis, par la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948 en son article 19 prescrivant : « Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit ».
  6. Et la Convention du Conseil de l’Europe de 2009 portant sur l’accès aux documents publics, en ses articles 2 et 4 prescrivent respectivement : « Chaque Partie garantit à toute personne, sans discrimination aucune, le droit d’accéder, à sa demande, à des documents publics détenus par des autorités publiques. » ; « Le demandeur d’un document public n’est pas tenu de donner les raisons pour lesquelles il souhaite avoir accès audit document » ;
  7. Que les États, les organisations internationales et les institutions financières internationales ne doivent point fonctionner dans l’opacité, ni cautionner l’opacité d’un Gouvernement dans la fabrication de la décision publique, sous peine de complicité et d’inculpation par l’Histoire et le droit international pour violation des droits fondamentaux de la personne humaine, au su et vu du monde entier ;
  8. Qu’une injustice commise quelque part est une injustice commise dans le monde entier. Le bien être des nations étant inextricablement lié ;
  9. Cela confère, par voie de conséquence, compétence à toute instance judiciaire dans quelque pays qu’elle se trouve et ce, en vertu de la Convention des Nations Unies Contre la Criminalité Transnationale Organisée et les protocoles s’y rapportant ;
  10. Que nul ne peut adjoindre une saine administration à des pratiques d’opacité chronique en prétendant s’affranchir des passifs astronomiques du passé, sous prétexte d’excuse, d’aveuglement ou d’intérêt individuels, importe parfois le nom qu’on lui donne (accord, convention, états généraux, nouvelle constitution). On ne construit rien sur le néant. On ne bâtit rien de durable sans exemple. Tout nouveau départ est conditionné par un examen minutieux du passé, la fixation des responsabilités, la restitution et la réparation des victimes, la reddition de comptes, la sanction, la mise en place des balises pour que les nouveaux dirigeants ne reproduisent plus les mêmes dérives. Enfin, viendra la réconciliation nationale;

Troisième partie : avertissement

  1. Que passé ce délai, les signataires porteront plainte formellement par devant qui de droit, dans différents pays, différentes instances internationales, contre les institutions susmentionnées, pour violation avérée des droits de l’homme, inobservations des instruments juridiques internationaux, suspicion légitime, rétention d’information, absence de contrôle et d’évaluation des comptes et engagements publics; concours au blanchiment des avoirs et capitaux, atteinte à la transparence, obstacles à l’émergence démocratique ;
  2. Que l’Organisation des Nations Unies pour l’Éducation, la Science et la Culture (UNESCO), en son document publié en 2013, en France, intitulé « Vers un droit d’accès à l’information publique », a reconnu que le droit à la liberté́ d’expression et son indissociable corollaire, la liberté́ d’information, constituent des prérequis indispensables à l’établissement et au maintien de ces principes dans toute construction ou transition démocratique. Pour que les personnes publiques puissent exercer le contrôle démocratique, il est essentiel que l’État garantisse l’accès à l’information d’intérêt public qu’il détient ». En conséquence, les agents publics ne sont pas propriétaires des documents ni de l’information qu’ils détiennent en raison de leurs fonctions, et les citoyens ont le droit d’y accéder et de leur en demander communication.
  3. Jurisprudence internationale
    Qu’en outre, la Cour Interaméricaine des Droits de l’Homme a été la première à reconnaitre en 2006 que l’accès à l’information constituait un droit de l’Homme fondamental. Elle a estimé́, dans le jugement Claude Reyes y otros v Chile, que le Chili avait violé́ l’article 13 de la Convention américaine des droits de l’Homme en refusant de communiquer l’information, à un citoyen, sur un important projet d’exploitation forestière.
  4. Que somme toute, il y a lieu de restaurer la confiance et la participation citoyenne dans la sphère publique. Que l’opinion internationale, libre, détient le pouvoir de déconstruire et de reconstruire les nations, d’aplanir les inégalités et de reconfigurer les pouvoirs publics; le tout, au profit de l’humanité en quête de bien-être ;

Pour que nul n’en ignore !

Pour la vérité et pour l’histoire !

Organisations et personnalités signataires :

Mouvement Mutation Haïti (MMH), Inisyativ Patriyòt Maryen (IPAM), Action pour la Reforestation et la Défense de l’Environnement (AREDE), Òganizasyon Reveye, Federasyon Mouvman Demokratik Katye Moren (FEMODEK), Me Emmanuel Raphaël, Jean Baptiste Bien-aimé, Hugue Célestin, Dionel Germain (008-727-465-7), Jean Garry Denis (003-689-780-8), Théophile Gluck (003-950-988-5), Castin Milostène, Davilmar Pierrogène (008-046-329-4), Jeune Junior (004-748-892-0), Belijaques Saint Cleris (004-359-286-1), Djanold Saint-Jean (009-705-223-6), Dassas Gaston et les avocats : Me Hérald Myrtil, Me Emmanuel Raphaël, Me Thony Desauguste, Me Bolivar Elitex.

ÉDITEUR / ÉDITRICE

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LE SCIENTIFIQUE
Le Centre de Recherche Intégrée et Scientifique d’Haïti (CRISH) aussi connu sous le nom de Le Scientifique est créé à Milot (Haïti), le 10 novembre 2017, dans le but de servir la communauté scientifique et les désireux en quête de savoir et d’information scientifique pour comprendre et interpréter les phénomènes écosystémiques. Particulièrement, il promeut la culture scientifique en Haïti et dans les Caraïbes à des fins de développement durable et de la paix. Le Centre de Recherche Intégrée et Scientifique d’Haïti (CRISH) est apolitique, à but non lucratif et en libre accès (Open Access). La vision du Centre de Recherche Intégrée et Scientifique d’Haïti (CRISH) est « devenir une revue scientifique intégrée de référence dans le monde afin de parer au manque de revues scientifiques en Haïti et dans les Caraïbes ». La raison d’être du Centre de Recherche Intégrée et Scientifique d’Haïti (CRISH) est de promouvoir « la culture scientifique au service du développement durable et de la paix » tout en travaillant en collaboration avec les institutions et particuliers en vue de promouvoir la recherche et la science en Haïti et dans les Caraïbes. Email : info@lescientifique.org WhatsApp : +(509) 46307623
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