
Depuis l’accréditation de l’Institut des Sciences, des Technologies et des Études Avancées d’Haïti (ISTEAH) en 2014 comme la première institution de formation doctorale accréditée en Haïti, le taux de recherches scientifiques réalisées dans le pays augmente significativement. Ainsi, suite à ses études de troisième cycle universitaire, Figaro AURÉLUS vient de soutenir sa thèse de doctorat en droit (spécialité : criminologie et lutte contre la corruption) avec une perspicacité hors paire. De ce fait, il a fait ses études doctorales à l’Institut des Sciences, des Technologies et des Études Avancées d’Haïti (ISTEAH). Sa thèse porte sur l’analyse de la problématique de la lutte contre la traite des personnes en Haïti en lien avec la migration. Dans cette thèse, il a abordé le phénomène de la traite des personnes et celui de la migration. Suite à la soutenance de sa thèse, l’ISTEAH lui accorde le grade de docteur (Ph. D.) en droit. La soutenance a eu lieu ce jeudi 30 janvier 2025 à 10 heures (heure de l’Est). Elle a été suivie par d’immenses personnalités intéressées à la thématique de la recherche. À cet effet, le jury de soutenance a été constitué de M. TOUSSAINT Pierre, Ph. D. (Président), Mme CLOUET Johanne, Ph. D. (Membre et Directrice de recherche, Université de Montréal), M. PIERRE Samuel, Ph. D. (Membre et Co-directeur de recherche), M. MONDÉLICE Mulry, Ph. D. (Membre, Collège militaire royal de Saint-Jean), M. ROCH François, Ph. D. (Membre externe, Université du Québec à Montréal, UQAM) et M. GUÉ Jean-Élifaite, Ph. D. (Représentant de la direction des affaires académiques).
Biographie de Figaro AURÉLUS
Né à Moreau-Liancourt dans l’Artibonite, le Commissaire divisionnaire Figaro AURÉLUS y a passé son enfance et une partie de son adolescence, avant de s’installer à Port-au-Prince où il a terminé ses études secondaires au Lycée Alexandre Pétion en 1992.
Docteur en Sciences juridiques, il détient un Master II en Criminologie à l’Université d’État d’Haïti (2003), une licence en Droit (2003), un diplôme en Sécurité publique à la Escuela de los Carabineros de Chile (2007), un diplôme de gestion à l’Université de Sherbrooke au Canada et un Diplôme approfondi de Langue française (2009).
Issu de la deuxième promotion de la PNH, il a été tour à tour brigadier, formateur et responsable du commissariat de Jean Denis (1996) et de la Brigade judiciaire du commissariat de Saint Marc. Au commissariat des Gonaïves, il a travaillé de 1997 à 2000 comme chef de poste et responsable adjoint du Personnel.
Devenu instructeur en 2000, Commissaire AURÉLUS a enseigné les Tactiques défensives et la Rédaction de rapports avant de devenir responsable du Curriculum de l’École Nationale de Police. Professeur concepteur depuis 2011 à l’Académie Nationale de Police (ANP), il est passé de chef de service à l’Organisation académique à Directeur des études. Il est actuellement le Directeur de l’Académie Nationale de Police.
Résumé de la thèse (doctorale) de Figaro AURÉLUS
La thèse de Figaro AURÉLUS traite de la problématique de la lutte contre la traite des personnes en Haïti en lien avec la migration (interne et internationale). Elle analyse les principaux facteurs qui freinent la lutte contre ce phénomène en essayant de l’appréhender afin de mieux contribuer à sa répression. A cet effet, elle explore la traite durant la décennie 2014-2024, en partant de la publication de la Loi du 30 avril 2014. En outre, elle identifie les causes et conséquences dudit phénomène, en indiquant l’impact des flux migratoires sur ce dernier. Enfin, elle examine l’incidence des défaillances institutionnelles et du dysfonctionnement des politiques publiques actuelles sur la lutte contre ce crime transnational.
Utilisant la méthode qualitative, en privilégiant une approche compréhensive et la méthode exégétique, cette thèse recueille, à partir de vingt-et-un (21) entretiens semi-dirigés réalisés avec les principaux acteurs des secteurs concernés, des données permettant une démarche interprétative. Ainsi, outre un riche éventail de documents mobilisés et les visites exploratoires réalisées, des experts, des cadres et fonctionnaires des institutions et organismes de lutte ont contribué au montage du corpus et à l’obtention des résultats. Ils viennent pour la plupart du domaine régalien (justice et police), du Comité national de lutte contre la traite des personnes (CNLTP), de la Brigade de la protection des mineurs (BPM), de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) et de l’Organisation nationale de la migration (ONM), de la Direction de l’immigration et de l’émigration, des institutions et maisons d’accueil. Cette démarche a permis d’explorer la gamme d’émotions et de sentiments qui traversent les sujets, leur conduite et expérience et d’établir les liens existant entre la réalité et les faits scientifiques.
À l’analyse, il s’est révélé que divers facteurs freinent la lutte contre la traite des personnes en Haïti comme le manque de volonté politique de l’État et l’ingérence des pouvoirs exécutif et législatif dans les affaires judiciaires, les carences et faiblesses des institutions et entités de lutte comme la police, la justice, le CNLTP, la BPM, la Direction de l’immigration et de l’émigration, la douane. Il faut mentionner l’inadéquation des lois migratoires, le manque de conscience professionnelle des juges et le niveau élevé d’expertise des trafiquants par rapport aux différents acteurs. Il y a également lieu d’indiquer le manque de formation et de sensibilisation de la population et les problèmes d’infrastructures de base.
En termes de conséquences, la traite des personnes favorise la prostitution, le prélèvement d’organes et la domesticité (restavèk). Ainsi, elle déshumanise et chosifie la victime. De plus, elle provoque la transmission des maladies sexuellement transmissibles et la division au sein des familles. Par ailleurs, la traite génère la délinquance et les phénomènes des filles-mères, des enfants sans père et des « antennes ». Elle favorise également les abus et violations des droits humains, la fuite des cerveaux, l’enrichissement illicite, et même le suicide.
Quant aux flux migratoires, ils impactent sérieusement le phénomène. Ils rendent le contrôle des migrants difficile et facilitent le trafic qui, lui-même, peut entraîner la traite. De plus, ils exposent les personnes à toutes formes de violations et d’exploitations. Pour finir, les flux migratoires complexifient la lutte contre la traite des personnes ; ils permettent une meilleure organisation des trafiquants, la fuite des ressources et des capitaux et stimulent la traite.
Toutefois, les faiblesses et défaillances institutionnelles et le dysfonctionnement des politiques publiques bloquent l’application de tout plan d’action ou de prévention visant le contrôle de la ligne frontalière. En conséquence, beaucoup de personnes sont exposées et les rapatriés restent non identifiés. Aucun jugement ne peut être prononcé, l’impunité règne, les personnes se démotivent et la lutte s’affaiblit.
La lutte contre la traite des personnes, en tant que phénomène polymorphe et multidimensionnel lié à la migration, exige le déploiement d’efforts conjoints et la prise d’actions conscientes sur le plan interne et international.
Sur le plan interne, les autorités étatiques doivent établir une politique publique globale regroupant tous les acteurs, secteurs, domaines et partenaires concernés par la question de la traite des personnes. Il s’avère nécessaire de renforcer toutes les institutions et entités de lutte, notamment celles du domaine régalien (police, justice), le CNLTP, la DIE, l’IBESR, la BPM. Dans la même veine, la mise en réseau de ces structures s’impose ; il en est de même du regroupement sous une même entité de la police, la douane et l’immigration. Il convient en définitive de former les policiers, les parquetiers et les juges d’instruction spécialisés dans le domaine de la traite.
Sur le plan international, la lutte contre la traite des personnes exige une réelle coopération bilatérale et multilatérale, à l’échelle régionale et internationale, afin de faciliter les demandes d’entraide judiciaire, d’extradition et d’assistance technique. À cet effet, il faut la promotion de l’application du protocole d’entente entre Haïti et la République dominicaine visant à renforcer la coopération en matière de migration, d’environnement, de commerce et de sécurité à la frontière. En ce sens, l’organisation internationale de police (INTERPOL) peut servir de courroie de transmission en matière d’entraide judiciaire. Somme toute, le ministère des Affaires étrangères doit prendre part à toutes activités en lien avec la criminalité transnationale organisée intéressant les autorités haïtiennes, notamment la traite des personnes.
Eu égard aux résultats de cette recherche, une lutte efficace contre la traite des personnes exige la prise d’actions au plus haut niveau de l’État qui doit être globalement renforcé. Il faut aussi le renforcement des institutions et entités de lutte, des partenariats et de la coopération internationale. Il faut en fin de compte la réduction des facteurs de vulnérabilité des membres de la collectivité, notamment les enfants issus des milieux défavorisés, les femmes, les migrants et les réfugiés.