Vers le « Génie humanitaire » en tant qu’approche scientifique : 10 ans de l’ISTEAH et 150 ans de Polytechnique Montréal

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L’année 2023 marque les dix (10) ans de l’Institut des Sciences, des Technologies et des Études avancées d’Haïti (ISTEAH) et les cent cinquante (150) ans de Polytechnique Montréal au Canada. À cet effet, l’on s’en souvient que la reconnaissance est la mémoire du cœur. Comment célébrer cette date unique et marquante au Canada et en Haïti ? L’organisation, en date du Mercredi 5 avril 2023, d’un colloque international conjoint entre l’ISTEAH et Polytechnique Montréal revêtait une initiative citoyenne internationale mettant en avant particulièrement la contribution des scientifiques haïtiens, des collaborateurs internationaux et des projets innovants, technologiques et de génie humanitaire issus d’Haïti. En conséquence, la cerise sur le gâteau impliquait un ensemble de présentations autour du « Génie humanitaire ». Génie humanitaire ? Est-ce une nouvelle approche scientifique et un nouveau domaine d’études ? C’est un terme nouveau, n’est-ce pas ? Au menu de ce colloque, un ouvrage collectif « Handbook of Innovation and Appropriate Technologies for International Development » coédité par Philippe Régnier, Daniel Frey, Samuel Pierre, Koshy Varghese et Pascal Wild a été aussi présenté.   

Ce colloque international conjoint très prometteur pour le monde a présenté au public présentiel et virtuel un ensemble d’interventions extrêmement enrichissantes et tirées des recherches scientifiques. Ces interventions portaient sur :  

  1. l’ouvrage collectif : « Handbook of Innovation and Appropriate Technologies for International Development ». Cette présentation a été faite par Philippe Régnier, Haute école spécialisée de Suisse occidentale (HES-SO), Genève, Suisse, & École d’Études en Entrepreneuriat de l’ISTEAH ;
  2. trois projets liés au génie humanitaire : « Recyclage de pneus usagés, Détection de faux médicaments, Culture hydroponique ». Cette présentation a été faite par Michal Dabros et Olivier Vorlet, Haute école d’ingénierie et d’architecture de Fribourg, Suisse ;
  3. l’adaptation locale des technologies de l’information et de la communication (TIC) pour contribuer aux conditions socio-économiques des citoyens dans les pays émergents : études de cas en Haïti et en RD Congo. Cette présentation a été faite par Musandji Fuamba, Polytechnique Montréal & ISTEAH ;
  4. les technologies solaires photovoltaïques pour un développement durable endogène. Cette présentation a été faite par Oumarou Savadogo, Polytechnique Montréal & ISTEAH ;
  5. les « images satellitaires en Haïti : une application aux analyses de risques de catastrophes naturelles en Haïti ». Cette présentation a été faite par Nathalie Théodore, Smithe Anténor, Nathalie de Marcellis-Warin et Thierry Warin, Polytechnique Montréal, HEC Montréal & ISTEAH ;
  6. les « images satellitaires en Haïti : une application au secteur du bioalimentaire ». Cette présentation a été faite par Nathalie Théodor et Smithe Anténor, Nathalie de Marcellis-Warin et Thierry Warin, Polytechnique Montréal, HEC Montréal, ISTEAH ;
  7. «Artificial Intelligence to Detect Landslides, Destroyed Houses and Damaged Infrastructures from Haiti Earthquakes 2010 and 2021». Cette présentation a été faite par Jean-Eugène Piou, Amos Noël et Wougens Vincent, Massachusetts Institute of Technology. USA, & ISTEAH ;
  8. l’innovation moulin mobile et le développement de la culture de la canne-à-sucre à Saint-Michel de l’Attalaye. Cette présentation a été faite par Justafort Jules, Hallen-By Lamarque et Bénédique Paul, Université Quisqueya, Haïti, & ISTEAH ;
  9. l’initiative de sismologie citoyenne en Haïti : organisation et actions spécifiques. Cette présentation a été faite par Éric Calais, Steeve Symithe, Dominique Boisson et Roberte Momplaisir, Faculté des sciences de l’Université d’État d’Haïti & Institut de Recherche pour le Développement, France ;
  10. l’utilisation des technologies pour améliorer la qualité de vie et promouvoir le développement durable en Haïti : le cas du projet PIGraN ». Cette présentation a été faite par Samuel Pierre, Polytechnique Montréal & ISTEAH ;
  11. la conception d’un système de mesure et d’analyse de l’amélioration du niveau de vie des populations comme instrument d’évaluation de l’efficacité de projets de développement. Cette présentation a été faite par Franjieh El Khoury, Samuel Pierre et Raymond Kernizan, Polytechnique Montréal & ISTEAH. 

Que décrit le « Handbook of Innovation and Appropriate Technologies for International Development » ?  

Divisé en trois parties, le livre chef-d’œuvre paru sous les Editions Edward Elgar Publishing (UK & USA) en 2022 et intitulé « Handbook of Innovation and Appropriate Technologies for International Development » comporte 17 articles scientifiques et 279 pages. Après le résumé de l’ouvrage, le « Handbook of Innovation and Appropriate Technologies for International Development » arrive à point nommé et fournit une discussion conceptuelle et une large présentation empirique des nouvelles formes d’innovation perturbatrices produisant des technologies appropriées, répondant aux besoins des populations à faible revenu et fournissant des solutions alternatives pour le développement durable.

Ainsi, le Handbook of Innovation & Appropriate Technologies for International Development analyse et compare de manière experte les contributions des technologies appropriées dans les économies en développement, émergentes et industrialisées, y compris la Chine et l’Inde, et leurs impacts sur le développement mondial. En outre, il couvre le rôle transversal des nouvelles technologies de communication internationales, du libre accès, des outils numériques ainsi que de l’entrepreneuriat et de l’innovation au sein des économies émergentes et des pays industrialisés. À l’aide d’analyses empiriques de cas et d’expériences dans les secteurs manufacturiers et des services, il couvre à la fois l’économie formelle et informelle et met l’accent sur les différences et les similitudes entre les frontières et les secteurs.

Au sein de ce Handbook of Innovation & Appropriate Technologies for International Development, les praticiens des ONG et du secteur privé, les agents du secteur public ainsi que les universitaires spécialisés dans l’économie du développement, l’entrepreneuriat et les études d’ingénierie ou de gestion trouveront ce manuel éclairant et très instructif. Les producteurs et les entrepreneurs scientifiques et technologiques apprécieront le regard global sur un développement plus durable lié aux technologies appropriées, et sur la manière dont elles peuvent être utilisées dans tous les contextes économiques.

Dans sa critique, Paul M Cadario de l’Université de Toronto font état que les auteurs du chapitre adoptent une approche globale et éclectique de «l’ingénierie globale» sous tous ses aspects, de la recherche et de l’apprentissage universitaires aux approches pratiques des organisations internationales et des ONG, en passant par l’expérience des praticiens et des communautés qui ont expérimenté des technologies appropriées – ou ont été expérimentés avec eux. Ce recueil explique les histoires d’origine des praticiens et des organisations révolutionnaires et fournit à la fois les cadres socio-économiques et politiques traditionnels pour les technologies appropriées ainsi que le nouveau récit de décolonisation, quelque peu controversé, avec une gamme d’exemples de LMIC. L’aspect humain attire l’attention, y compris le besoin de protection des sujets et des participants, et les dimensions éthiques, avec les limites auxquelles les processus d’examen institutionnel de l’université peuvent être confrontés concernant la collecte et l’analyse des données, l’utilisation de l’IA et des techniques d’apprentissage automatique pour démêler les idées et l’apprentissage , à mettre ces analyses à la disposition du non-spécialiste ainsi qu’aux participants et autres parties prenantes. Le chercheur, le praticien, l’étudiant et les innovateurs trouveront tous des choses à aimer et à réfléchir à mesure que nous passerons des technologies appropriées au contexte intellectuel et politique plus large pour appliquer ce que nous apprenons à nous engager auprès des pauvres pour améliorer leur vie.

Cet ouvrage est paru sous la direction de Philippe Régnier (Professeur et Doyen-Recherche, Ecole Supérieure de Management Fribourg, Haute Ecole Spécialisée de Suisse Occidentale – HES-SO), Daniel Frey (professeur, actuellement Responsable du Domaine Conception et Fabrication au sein du Génie Mécanique, et anciennement Faculté de Recherche Directeur, D-Lab, Massachusetts Institute of Technology, Cambridge, Massachusetts, États-Unis), Samuel Pierre (professeur, Directeur du Laboratoire de recherche en informatique mobile et réseautage – LARIM, Département de génie informatique et logiciel, Polytechnique Montréal, Montréal, Canada), Koshy Varghese (professeur, Département de génie civil et actuellement doyen -administration, Indian Institute of Technology-Madras, Chennai, Inde et Pascal Wild, professeur, School of Management Fribourg, Haute école spécialisée de Suisse occidentale – HES-SO) et Pascal Wild (professeur, School of management of Fribourg, University of applied Sciences Western Switzerland – HES-SO) avec la contribution de Nancy Adams (Commuications Officer for MIT D-Lab), Joe Amick (Senior Learning and Evaluation Advisor on the USAID Global Health Technical Professionals contract), Abdelhamid Benhmade (doctorant en études du développement à l’université d’Ottawa), Amy Bilton (Director of the Centre for Global Engeneering, and Associate Professor of Mechanical Engineering at the University of Toronto), Yu-Ling Cheng (Distingueshed professor in Global Engineering, and professor. Department of Chemical Engineering & Applied Chemistry in the faculty of Applied Science and Engineering at the University of Toronto), Levente L. Diosady (professor of Food Engineering in the Department of Chemical Engineering and Applied Chemistry at the University of Toronto), Boru Douthwaite (Agricultural Engineer, technology policy analyst, and evaluator in CGIAR System in Africa, Asia and Latin America), Musandji Fuamba (Civil Engineering and Water Ressources Management from Catholic University of Louvain (Belgium), Amit Gandhi (Mechanical Engineering at the California Institute of Technology and MIT), Morris Huang (Graduate student affiliated with Delft’s Engineering and Policy Analysis program), Elizabeth Hoffecker (Interdisciplinary social scientist at the Socialtechnical Systems Research Center at MIT), Binod Khadria (Former professor of Economics of Education and Chairperson of Zakir Husain Centre for Educational Studies, School of Social Sciences, Jawaharlal Nehru University), Jane Khayesi (Experienced higher education teacher, researcher, and consultant in Management entrepreneurship), Kendra Leith (Associaite Director for research at MIT D-Lab), Ahmed Mahmoud (Program Manager for the Centre for Global Engineering and Lecturer on Engineering, Innovation and Global Devlopement), Roy William Mayega (Lecturer in Department of Epidemiology and Biostatistics at the School of Public Health, Makerere University, Teaching and research Methodology), Khanjan Mehta (Inaugural Vice Provost for Creative Inquiry and Directorof the Mountaintop Initiative at Lehigh University), Ratnam Mishra (Assistant Professor of Economics at the University School of Management and Entrepreneurship, Delhi Technological University), Thomas Hervé Mboa Nkoudou (Social scientist, Public communication from Université Laval in Québec City), Balkrishna C. Rao (Associate Professor in the Department of Engineering Design at the Indian Istitute of the Technology Madras), Bish Sanyal (Ford International Professor of Urban development and Planning in the Department of Urban studies and Planning at MIT), Heini Shi (Professor of Practice in Management at New York University Shangai), Amy Smith (Founding Director of MIT D-Lab and Senior Lecturer in Mechanical Engineering at MIT), Daniel Sweeney (Lead researcher for the D-Lab Biomass Fuel & Cookstoves Group), Evan Thomas (Director of the Mortenson Center in Global Engineering, University of Colarado at Boulder), Sher Vogel (MIT D-Lab’s Global Trainings Manager).  

Dans sa présentation, professeur Philippe Régnier, directeur de l’École d’Études en Entrepreneuriat de l’ISTEAH, fait état de l’adaptation des solutions spécifiques aux problèmes auxquels font face les pays du Nord, du Sud, de l’Est et de l’Ouest. Dans son discours d’occasion, il fait ressortir l’importance des technologies appropriées. Pour la petite histoire, les technologies appropriées désignent un mouvement pour certains et une idéologique philosophique pour d’autres qui englobent un choix et une application technologiques à petite échelle, décentralisés, à forte intensité de main-d’œuvre, économes en énergie, écologiquement rationnels et localement autonomes. Dans cette approche, la technologie est centrée sur les humains afin de permettre aux individus et aux communautés qui ont le plus besoin d’une aide efficace de parvenir à l’autonomie de manière durable.

De la parole aux actions 

Les approches de génie humanitaire et de technologies appropriées mises en avant dans ce colloque ont toutes été expérimentées en Haiti et dans certains pays africains comme Sénégal, Rwanda, République démocratique du Congo, Mali, Burkina Faso par l’ISTEAH et ses partenaires pendant la dernière décennie (2013-2023). De ces projets novateurs incluant le génie humanitaire et les technologies appropriées, l’on retient : 

  • Le recyclage de pneus usagés ;
  • Les images satellitaires pour les analyses de risques de catastrophes naturelles ; 
  • La culture hydroponique ; 
  • L’innovation moulin mobile pour le développement de la culture de la canne à sucre à Saint-Michel de l’Attalaye (Artibonite, Haïti) ; 
  • La détection de faux médicaments ;
  • L’utilisation de l’intelligence artificielle pour la détection d’infrastructures endommagées au cours de séismes ; 
  • Les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) garants du développement socio-économique durable ;
  • Les images satellitaires pour le secteur bioalimentaire ; 
  • L’approche interactive scientifico-technologique et socio-anthropologique pour la mobilisation citoyenne envers la prévention de séismes. 

Synthèse

Ce colloque international conjoint entre ISTEAH (Haïti) et Polytechnique Montréal (Canada) révèle une initiative citoyenne à l’échelle mondiale en vue de présenter des éléments de solutions appropriées au besoin des communautés locales. Ce colloque a été animé par Professeur Samuel Pierre, président du GRAHN-MONDE et de l’ISTEAH

Alors que la majeure partie des études de cas présentées sont réalisées en Haïti sous la paternité de l’ISTEAH, pour la petite histoire, on doit mentionner que la communauté internationale décrit l’Institut des Sciences, des Technologies et des Études Avancées d’Haïti (ISTEAH) comme un établissement universitaire de cycles supérieurs destiné à la formation des chefs de file haïtiens de demain. Cette assertion faite de l’ISTEAH corrobore avec son slogan : « l’Université de la nouvelle Haïti ». D’ailleurs, l’ISTEAH révèle l’Université donnant plus de spécialités au DESS, à la Maitrise et au Doctorat en Haiti dans plus de sept villes du pays. Ainsi, il décentralise l’accès à l’enseignement supérieur dans le pays avec son siège social principal à Milot, une province communale de troisième catégorie en matière de fiscalité. Par ailleurs, Polytechnique Montréal décrit l’ISTEAH ainsi :

L’ISTEAH assure un enseignement universitaire scientifique et technologique de 2e et 3e cycles en Haïti grâce à un important réseau de partenaires universitaires régionaux et internationaux. Les cours sont donnés sur des sites répartis dans sept villes d’Haïti et retransmis par vidéoconférence, ce qui permet aux étudiants et aux étudiantes vivant dans des régions isolées de les suivre. 

Rappelant la présence à ce colloque d’une dizaine d’étudiants de l’ISTEAH en stage de recherche (maitrise, doctorat et post-doc) dans des universités du Canada et en bidiplomation au Québec, ce colloque permet à ces stagiaires d’effectuer des échanges avec des grandes personnalités du monde scientifique et technologique tout en leur donnant accès de présenter leur travail de recherche. 

En somme, ce colloque via les différentes présentations scientifiques, pose le premier jalon du génie humanitaire dans le monde comme une approche scientifique devant être prise en compte dans tous les projets, programmes, portefeuilles. Car, comme l’énonçait professeur Samuel Pierre, il n’en vaut pas grand-chose de mesurer les résultats des projets avec des phrases qui ne tiennent pas compte de l’amélioration des conditions et du niveau de vie des parties prenantes des projets, particulièrement des bénéficiaires. Dans cette lignée, un outil en ligne ou mieux encore un système de mesure et d’analyse de l’amélioration du niveau de vie des populations comme instrument d’évaluation de l’efficacité de projets de développement a été présenté par Franjieh El Khoury, Samuel Pierre et Raymond Kernizan. Cet outil sera d’une grande utilité pour évaluer les résultats durables des projets de développement mis en œuvre dans tous les pays du monde via des meilleurs indicateurs. Dans les années qui viennent, le génie humanitaire deviendra l’une des meilleures approches scientifiques et domaines d’études universitaires en termes de durabilité socio-économique, environnementale, technologiques (appropriées) et innovante. 

Pour conclure, le port étandard du Génie humanitaire, Samuel Pierre,  fait croire que ce colloque constitue une opportunité pour les deux universités partenaires, à savoir l’Institut des Sciences, des Technologies et des Études avancées d’Haïti (ISTEAH) et Polytechnique Montréal, afin de promouvoir l’émergence de cette nouvelle discipline de Génie Humanitaire et de mieux réconcilier la science et la technologie avec les préoccupations citoyennes. 

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