Dans un contexte politique haïtien profondément marqué par des tensions persistantes entre la primature et la présidence, la révocation de Garry Conille, Premier ministre, a précipité le pays dans une nouvelle zone d’incertitude.
Après cinq mois de relations chaotiques, la décision du Conseil présidentiel de mettre fin à ses fonctions a suscité de vives interrogations sur la légitimité de ce geste ainsi que sur la stabilité du système institutionnel en place. Cette situation complexe met à jour les failles du mécanisme politique haïtien, dans un pays où la menace d’une ganstérisation des territoires semble de plus en plus irréversible.
À la lumière de ces événements, il apparaît que le Conseil présidentiel et la Primature sont les fruits d’un compromis politique, une entente fragile qui dénonce l’absence d’une architecture constitutionnelle stable. Si le Premier ministre n’a pas été ratifié par un parlement, ce dernier étant inexistant, c’est le consensus politique qui a gouverné, s’affranchissant des règles constitutionnelles établies.
La Révocation de Garry Conille : Une Décision Légale ou Illégale ?
La question de la légalité de la révocation de Garry Conille, soulevée par le principal concerné, fait l’objet de débats nourris. Selon la Constitution de 1987, un Premier ministre doit être ratifié par l’Assemblée nationale, composée du Sénat et de la Chambre des députés, dans le cas d’Haïti. Cependant, dans le cas de M. Conille, sa ratification, donc logiquement pas même sa révocation, n’a pas été faite par cette Assemblée, mais par un Conseil présidentiel, structure qui n’est nullement prévue par la charte fondamentale du pays. Ce Conseil, né d’un compromis politique suite à l’absence d’un Parlement fonctionnel après l’échec des élections de 2020, soulève une question capitale : un gouvernement de consensus peut-il légitimement se soustraire aux règles constitutionnelles pour garantir une gouvernance minimale dans un contexte aussi chaotique ? Le Premier ministre était lui aussi le fruit de ce Consensus brisé en cours de route.
Selon la théorie du juriste Maurice Hauriou, l’autorité qui nomme est également celle qui peut révoquer.
Cette approche, appliquée à la situation de Garry Conille, semble donc cohérente : sa nomination et sa révocation ont été effectuées par une entité ad hoc, fondée sur un accord consensuel, et non dans le respect strict des normes constitutionnelles, car, si oui, le Premier ministre aurait eu la bénédiction de l’Assemblée nationale.
Dès lors, il apparaît non dénué de logique que l’entité ayant pris la décision de nommer Garry Conille puisse également en assumer la révocation légitime.
Un Consensus Fragile : La Fin d’un Pacte Éphémère
L’argument de M. Conille, qui se réfère à la Constitution pour justifier son maintien en fonction, semble désormais déconnecté de la réalité politique haïtienne.
L’absence de Parlement élu, combinée à la création du Conseil présidentiel pour pallier le vide institutionnel, rend caduques les principes constitutionnels qu’il invoque. Ce Conseil, bien que n’ayant pas été ratifié par le peuple, a cependant joué un rôle décisif, tant dans la nomination que dans la révocation du docteur Garry Conille.
La véritable question qui se pose, cependant, est celle de la légitimité de ce Conseil lui-même, qui, tout comme la façon dont il avait été créé, semble privé d’une véritable base légale dans le sens institutionnel, hormis l’accord du 3 avril 2024.
Ainsi, le consensus qui avait permis la nomination du Premier ministre semble désormais se désagréger.
La révocation de Garry Conille est le dénouement de ce pacte politique fragile, qui met en lumière les limites d’un système dont les fondations sont loin d’être solides, et qui révèle l’impossibilité d’une gouvernance stable dans un climat de crise profonde.
Conclusion : Une Issue Incertaine pour la Crise Politique Haïtienne
La situation actuelle, où le Conseil présidentiel et la Primature se trouvent dans une impasse, témoigne de l’incapacité d’Haïti à restaurer un équilibre institutionnel stable. Si Garry Conille persiste à refuser de se soumettre à sa révocation, l’impasse politique pourrait se transformer en une crise encore plus profonde, plongeant le pays dans une insécurité politique sans fin.
La seule issue viable semble résider dans la tenue urgente d’élections afin de rétablir un Parlement légitime, condition sine qua non pour restaurer l’ordre constitutionnel et rompre le cercle vicieux de l’illégitimité, mais il aura fallu de la sécurité d’abord.
Toutefois, la solution ne réside pas uniquement dans la réorganisation des structures politiques.
La Primature et la présidence actuelles sont nées sur la base de l’accord du 3 avril 2024 et non dans le respect de la Constitution. De plus, le spectre de la ganstérisation des territoires, devenu pratiquement irréversible, impose une volonté politique forte et une solidarité nationale pour rétablir la paix sociale et restaurer la confiance du peuple en ses institutions.
En ce sens, la réconciliation des forces politiques et la recherche d’un véritable consensus sont les seules avenues possibles pour sortir de cette impasse et offrir à Haïti la stabilité qu’il attend, dans l’intérêt supérieur de la nation et de son peuple.