Ce n’est pas une demi vérité, plus de 70 % des universités haïtiennes ne fonctionnent pas dans le système des ECTS (European Credit Transfer System) plus connu sous le système de Crédits mais de préférence dans celui de moyenne générale promouvant le redoublement des classes. Alors que le monde universitaire change de paradigme et de système en vue faciliter la justice et le développement, certains pays sous-développés (PMA) comme Haïti fait le vœu de préserver le statu-quo (traditionnel) en dépit de sa désuétude. Ainsi, nos enquêtes exploratoires révèlent que plus de 70 % des universités fonctionnant en Haïti ne sont pas inscrites dans le nouveau système mondial des ECTS mais de préférence dans l’ancien système de moyenne générale. Le pis dans tout cela, près de 90 % des facultés et écoles de l’Université d’État d’Haïti (UEH), la plus grande université du pays, fonctionnent dans le système traditionnel de moyenne générale. Rappelons que le système des ECTS disparaît quasiment le redoublement des étudiants. Combien d’étudiants haïtiens sont-ils obligés d’arrêter leurs études à cause d’un ancien système désuet de redoublement que bon nombre de pays développés et en développement n’utilisent plus ? Combien de rêves brisés à cause du système de redoublement pour n’avoir pas réussi un seul cours ou pour un (1) point ? Combien d’étudiants sont obligés de reprendre tous les cours, même ceux réussis, à cause du système de moyenne générale en Haïti ? Quelle est la différence entre les deux (2) systèmes ? C’est quoi un crédit dans le système universitaire international ? Combien de recteurs, doyens, responsables d’universités en Haïti ne savent même pas l’existence du système des ECTS ? Quels sont les principales universités haïtiennes s’inscrivant dans le système des ECTS ? Combien d’universités haïtiennes qui s’en profitent du système de moyenne générale pour effectuer des reprises payantes d’examens, en nature ou en espèce et parfois à des fins non éthiques et abusives ?
Quelle est la différence entre les systèmes de moyenne générale et des ECTS (crédit) ?
L’ECTS, acronyme de European Credit Transfer System, ou « Système européen de transfert et d’accumulation de crédits », a pour but de donner une meilleure transparence aux cursus, de faciliter la reconnaissance des études à l’étranger et donc de favoriser la mobilité étudiante. Devenu l’un des éléments centraux du processus d’harmonisation de l’enseignement supérieur européen, il est le seul système de crédits testé et employé avec succès à travers l’Europe et dans nombreux pays du monde. De par Julie Mleczko, le système des ECTS aide les universités à organiser et à réviser leurs programmes d’études. Par contre, comme Gary-Bobo & Robin (2012), le système de moyenne générale consiste pour un étudiant à recommencer une année universitaire entière, en répétant les mêmes enseignements et en suivant les mêmes cours y compris ceux déja réussis l’année écoulée, lorsque son niveau est jugé insuffisant pour passer en classe supérieure. Le système de moyenne générale promeut le redoublement de classe. Ce qui est différent pour le système des ECTS disparaissant le redoublement intégral. Si ce système disparait le redoublement d’une classe entière, mais il ne disparait pas le redoublement des matières échouées. Car, l’étudiant n’ayant pas réussi un ou plusieurs cours n’a qu’à reprendre le ou les cours échoué(s) dans les sessions qui suivent tout en s’inscrivant dans d’autres nouveaux cours qui n’exigent pas le passage de certains cours préliminaires (de base). Dans ce système, si quelqu’un ne réussit pas les Mathématiques de base (Math 1), il ne pourra pas s’inscrire dans le cours des Mathématiques opérationnelles, des Statistiques, des Outils statistiques, etc.
En conclusion, le système de crédit (ECTS) exige que l’étudiant réussisse tous les cours dont il a suivis, et ce, sans exception. L’étudiant qui ne réussit pas un cours dans ce système doit le reprendre dans les sessions suivantes jusqu’à ce qu’il le réussisse. Ce système prône la perfection totale en termes de réussite des cours et parait plus exigeant. Par contre, le système de moyenne générale exige seulement que l’étudiant obtienne une note acceptable par rapport au seuil de moyenne générale exigée par l’institution universitaire. Donc, le système de moyenne générale accepte la complémentarité des notes moyennant que cours réussis + cours échoués = moyenne générale acceptable. Même si l’étudiant ne réussit pas un cours dans ce système, un autre cours peut l’aider à avoir la moyenne générale acceptée. Ce système là est moins perfectionniste et moins exigeant que le système ECTS. Toutefois, le système de moyenne générale est une bombe à retardement pour l’étudiant n’ayant pas atteint la moyenne générale demandée. Dans ce cas, certains étudiants sont obligés de redoubler la classe et reprendre tous les cours, mêmes les cours déjà réussis. Si le système des ECTS prolonge parfois la durée des études, le système de moyenne générale provoque d’après des recherches scientifiques le décrochage prématuré universitaire. Par conséquent, dans le système ECTS, un étudiant de deuxième année ou plus n’ayant pas réussi un cours peut le reprendre même avec des étudiants de première année ou tronc commun. Ce qui facilite la cohésion académique entre étudiantes et étudiants de différentes classes.
Toutefois, il y a des particularités dans tout système. Une université n’est pas forcément obligée de suivre servilement le système. Certaines universités peuvent en ajouter plus de rigueur que d’autres.
Les crédits ECTS, à quoi ça sert et quels sont ses avantages ?
Alors que l’ECTS ne détermine nullement le contenu ou l’équivalence des programmes, il permet seulement d’identifier un module d’enseignement à l’échelle européenne. Les crédits sont capitalisables, compensables et transférables dans nombreuses universités du monde. Ainsi, les modules d’enseignement que vous aurez étudiés dans une université étrangère pourront être enfin reconnus et comptabilisés pour l’obtention de votre diplôme. Le crédit constitue, en fait, une unité de mesure des diplômes commune à tous les pays participants. Les crédits ECTS représentent, sous la forme d’une valeur numérique entre 1 et 60 affectée à chaque unité de cours, le volume de travail que l’étudiant est supposé fournir pour chacune d’entre elles. Naturellement, une année académique est fixée à 60 crédits. La valeur d’un crédit représente donc environ 25 à 30 heures de travail. Le premier avantage de ce système permet de construire un cursus à votre guise, en choisissant parmi un éventail de matières qui vont vous permettre de cumuler les crédits nécessaires à l’obtention de votre grade en passant d’un établissement à un autre, d’une filière à une autre, voire d’un pays à un autre. Ce système de crédit élimine le redoublement intégrale d’une classe tant qu’on ait pas plus d’un semestre de retard. De là, s’il en manque des crédits, il est à la charge de l’étudiant de les récupérer tôt ou tard afin de décrocher son diplôme. Il est à mentionner que tout crédit validé est acquis à vie dans le système des ECTS.
C’est quoi un crédit dans le système universitaire international ?
Selon diverses universités de renommée mondiale et nationale, le crédit est une unité qui permet d’évaluer la charge de travail requise pour atteindre les objectifs particuliers d’un cours. Un cours universitaire correspond généralement à 3 crédits et 1 crédit représente environ 45 heures de travail. Certains cours peuvent équivaloir à 1, 2 ou 4 crédits. Les heures de travail peuvent prendre la forme d’étude individuelle ou de présence en classe, en laboratoire, en atelier ou en stage. Dans cette optique, il existe un nombre de crédits généralement nécessaires pour obtenir un diplôme à l’échelle mondiale. De ce nombre de crédits :
- un certificat (premier cycle de courte durée) requiert le passage de 30 crédits au moins. Sa durée est de 1 an à temps plein, ce qui équivaut généralement à 10 cours ou activités pédagogiques ;
- un baccalauréat (premier cycle de longue durée) exige le passage de 90 à 120 crédits. Selon le programme, sa durée varie de 3 à 4 ans à temps plein, ce qui équivaut généralement à 30 à 40 cours ou activités pédagogiques ;
- un DESS ou Diplôme d’études supérieures spécialisées (deuxième cycle) requiert le passage de 30 crédits au moins. Sa durée est de 1 an à temps plein, ce qui équivaut généralement à 10 cours ou activités pédagogiques ;
- une maîtrise (deuxième cycle) requiert le passage de 45 crédits au moins. Sa durée est généralement de 2 ans à temps plein, mais peut être plus longue ;
- un doctorat (troisième cycle) exige le passage de 90 crédits au moins. Sa durée est généralement de 4 ans à temps plein, mais peut être plus ou moins longue.
Si dans des pays, l’année universitaire comprend 3 sessions (automne : de septembre à décembre, hiver : de janvier à avril et été : de mai à août), en Haiti, sauf rares exceptions, l’année universitaire comprend généralement 2 sessions (automne : de septembre à Janvier et hiver : de février à mai ou juin). Certaines universités varient leurs sessions en fonction d’autres dates d’ouverture. Dans cette optique, l’Institut des Sciences des Technologies et des Etudes Avancées d’Haiti (ISTEAH) est l’une des rares universités en Haiti modelant typiquement le système des ECTS avec trois sessions respectives (automne : de septembre à décembre, hiver : de janvier à avril et été : de mai à août).
Il est à mentionner que le statut d’étudiant à temps plein au 1er cycle universitaire (licence) exige au moins le passage d’une session de 12 crédits, ce qui équivaut généralement à 4 cours ou activités pédagogiques. Par contre, le statut d’étudiant à temps plein au 2e cycle (maitrise) et au 3e cycle (doctorat) exige au moins le passage d’une session de 9 crédits. Néanmoins, ce système est sujet à des variations en fonction des activités, des établissements et des programmes.
Quels sont les principales universités haïtiennes s’inscrivant dans le système des ECTS ?
Alors qu’Haiti compte, d’après la dernière liste actualisée, 138 institutions universitaires reconnues par les instances compétentes du Ministère de l’Education Nationale et de la Formation Professionelle (MENFP) (Noel, 2018 paru dans Le Nouvelliste, cité dans Vincent, 2022), seulement moins de 30 % utilisent le système de crédit ECTS. Certaines d’entre’elles ne sont qu’à la phase expérimentale et n’ont pas les compétences nécessaires pour le mettre en oeuvre formellement. Parmi les principales universités haitiennes reconnues par le MENFP qui utilisent le mieux ce système de crédit ECTS, on cite :
- Institut des Sciences des Technologies et des Etudes Avancées d’Haiti (ISTEAH) ;
- Université Quisqueya (Quisqueya) ;
- Université Chrétienne du Nord d’Haïti (UCNH) ;
- Université Episcopale d’Haïti (UNEPH) ;
- Université Notre Dame d’Haiti (UNDH) ;
- Faculté Des Sciences humaines (FASCH) ;
- Faculté d’Agronomie et de Médecine Vétérinaire (FAMV) ;
- Université Adventiste d’Haïti (UNAH) ;
- Institut National d’Administration, de Gestion et des Hautes Études Internationales ;
- Université Queensland d’Haiti (Queensland University.
En guise d’étaler sur les questions auxquelles les réponses sont déjà connues en Haiti, il est à relater que bon nombre d’étudiants haïtiens sont obligés d’arrêter leurs études à cause d’un ancien système désuet de redoublement que nombreux pays développés et en développement n’utilisent plus. De là, le redoublement constituerait l’une des causes du décrochage universitaire. En conséquence, beaucoup de rêves sont brisés à cause de ce système de redoublement pour n’avoir pas réussi un seul cours ou pour n’avoir par réussi à cause d’un (1) point super important. En Haiti comme dans certains PMA, de nombreux étudiants se plaignent d’être obligés de reprendre tous les cours, même ceux réussis déjà pendant l’année, à cause du système de redoublement.
Malheureusement, le système universitaire haitien fait face à d’énormes problèmes. En dehors du problème de qualification et de compétences des recteurs (présidents), doyens, responsables, professeurs d’universités auquel les universités font face, il y a un manque de connaissance du système des ECTS (crédit) en Haiti. D’autre part, des universités haïtiennes ne fonctionnant pas dans le système des ECTS s’en profitent du système de redoublement pour effectuer des reprises payantes d’examens, en nature ou en espèce et parfois à des fins non éthiques et abusives. Les femmes sont les premières victimes du redoublement provoqué de certains professeurs leur exigeant quelques choses en nature malgré leurs capacités. Elles subissent parfois des pratiques de viol, d’harcelement lorsqu’elles ne coopèrent pas avec des professeurs et responsables d’université. Les hommes aussi en sont victimes. Donc, le problème d’éthique dans certaines universités haitiennes requiert une attention particulière. Car, les universités combattant systémiquement l’immoralité et le manque d’éthique ne sont pas nombreuses et sont énumérables aisément.
Pour montrer la complexité du problème du système de redoublement, Gary-Bobo & Robin (2012) estiment que : “Les résultats économétriques les plus récents conduisent à une appréciation nuancée : pour résumer, le redoublement aurait certains effets favorables à court terme, mais serait d’une certaine manière nuisible à long terme. Comme, par ailleurs, il s’agit d’une pratique coûteuse, il semble raisonnable d’en programmer la suppression, mais cela ne règle pas la question des politiques et des règles qui devraient s’y substituer“. Dans un prochain article, il sera paru la liste complète des universités haïtiennes s’inscrivant dans le système des ECTS (crédit) et la liste des universités haitiennes ayant les valeurs les plus morales et éthiques en Haiti.
Loin de conseiller gratuitement les responsables d’universités publiques et privées d’Haiti d’inscrire leurs universités dans le système des ECTS (crédit), cet article essaie de sensibiliser les responsables d’universités haitiennes sur la désuétude du système de redoublement intégral des classes étant à la base du décrochage universitaire en Haiti. Alors que ce système n’est qu’un maillon de la chaine universitaire de qualité, les responsables d’universités doivent adapter le cursus de leurs programmes universitaires aux besoins du marché de l’emploi et de l’innovation. Car, Charette-Métro (2012) avance que :
“Les étudiants désirent d’abord et avant tout que l’université les prépare à l’emploi. Pourtant, beaucoup de programmes leur semblent déconnectés des réalités du marché du travail. Plusieurs de leurs professeurs sont des chercheurs plutôt que des professionnels ou des praticiens d’expérience. Bien des étudiants en viennent alors à se demander si l’université est vraiment un passage obligé vers le marché du travail, surtout lorsque bien des modèles de réussite qui leur sont présentés par les médias sont des entrepreneurs qui ont décroché de l’université.“
REFERENCES
Charette-Métro, M. (2012). Les raisons du décrochage universitaire. Tiré le 11 février 2023 du https://journalmetro.com/entrepreneuriat/formation-et-emplois/992608/le-decrochage-universitaire/
Gary-Bobo, R. & Robin, J. (2012). 6. Le redoublement est-il inefficace et nuisible : Débats et difficultés d’analyse. Regards croisés sur l’économie, 12, 98-113. https://doi.org/10.3917/rce.012.0098
Noel, W. (2018). 138 institutions d’enseignement supérieur sont reconnues en Haïti. Tiré du https://lenouvelliste.com/article/193660/138-institutions-denseignement-superieur-sont-reconnues-en-haiti. Haiti : Le Nouvelliste.
Vincent, Marc-Donald. (2022). Les Universités haïtiennes reconnues par l’État d’Haiti – MENFP. Tiré le 11 février 2023 du https://lescientifique.org/les-universites-haitiennes-reconnues-par-letat-dhaiti-menfp. Haiti : Le Scientifique.
- Voici la liste des Universités haïtiennes reconnues par l’État d’Haiti – MENFP sur le lien suivant : https://lescientifique.org/les-universites-haitiennes-reconnues-par-letat-dhaiti-menfp.
- Voici le classement des meilleurs établissements scolaires d’Haiti sur le lien suivant : https://lescientifique.org/scholhaiti
- Pour ce qui concerne les facultés en sciences de la santé reconnues en Haiti, voici la liste sur HAÏTI : Les 83 écoles en Sciences de la santé reconnues par MSPP.
Depuis 2020, un classement des meilleures universités d’Haiti est paru dans les colonnes de LE SCIENTIFIQUE selon une approche méthologique et scientifique. Voici le lien de la page de UNIHAITI donnant accès au classement annuel des meilleures universités haitiennes : https://lescientifique.org/unihaiti.
Citer l’article :
Vincent, M-D. (2023). Les Universités d’Haïti : entre le système de moyenne générale et celui des ECTS (Crédit). Haïti : Le Scientifique. Tiré du https://lescientifique.org/les-universites-dhaiti-entre-redoublement-et-systeme-des-ects-credit