Le rapport de l’ULCC est scientifiquement hors du sujet

LE SCIENTIFIQUE

Dans un rapport publié le 2 octobre 2024, l’Unité de Lutte Contre la Corruption (ULCC) a rendu son verdict sur les allégations de sollicitation de cent millions de gourdes (100,000,000.00 gdes) par trois membres du Conseil Présidentiel de Transition (CPT) : Smith AUGUSTIN, Emmanuel VERTILAIRE et Louis Gérald GILLES pour la reconduction de Monsieur Raoul Pascal PIERRE LOUIS à la présidence du Conseil d’Administration de la Banque Nationale de Crédit (BNC). D’après l’ULCC, l’objectif du rapport a été de démontrer que les trois Conseillers-présidentiels avaient sollicité 100 millions de gourdes pour la reconduction du président de la BNC, Raoul Pierre Louis. À tort ou à raison, la conclusion de l’ULCC est hors contexte et non méthodologique voire scientifique. Car, la conclusion du rapport devait axer sur son objectif de départ. En modifiant l’objectif comme une hypothèse non confirmée, la conclusion du rapport de l’ULCC s’apparente à une conclusion scientifiquement hors du sujet. En conséquence, l’hypothèse de départ devrait être rejetée. Pour mieux comprendre la teneur juridique de ce rapport, nous avons analysé la perception à dire d’expert d’un ensemble de Juristes et de Chercheurs sur la pertinence juridique et scientifique de ce rapport. À cet effet, les participants questionnent la rigueur juridique, la pertinence scientifique, la méthodologie et les procédés du rapport. Les raisons qui expliquent les incohérences factuelles et procédurales mettant en doute la légitimité des conclusions émises par l’ULCC sont les suivantes :

Saisie irrégulière de l’ULCC : Un procédé illégal par voie de presse ?

Dès le premier paragraphe, l’ULCC prétend avoir été saisie par voie de presse, une démarche inhabituelle et contraire aux dispositions légales. La correspondance du 24 juillet 2024, par laquelle M. Raoul Pierre Louis dénonçait trois conseillers présidentiels, a été relayée par la presse, ce qui a déclenché une enquête. Or, l’article 19 du décret du 8 septembre 2004 stipule clairement que la saisine de l’ULCC doit se faire via une dénonciation en bonne et due forme, et non par voie médiatique. Cette procédure non conforme aurait dû invalider l’enquête dès son commencement.

Une altération des faits à travers un faux procès-verbal de constat

Le rapport mentionne un procès-verbal de constat requis auprès du Juge de Paix Fritz Veus, qui, selon l’ULCC, contient des échanges WhatsApp. Cependant, ce document, jugé faux et altéré, n’a jamais été déposé par le requérant Raoul Pierre Louis en raison des modifications qu’il aurait subies. L’ULCC, malgré la connaissance de ces irrégularités, a tout de même utilisé ce procès-verbal, ce qui pose de sérieux problèmes de fiabilité des preuves.

Auditions lacunaires : Un manque flagrant de transparence

Les auditions de plusieurs figures importantes, dont Lonick Leandre, Onald Fontaine et Fritz William Michel, sont mentionnées dans le rapport, mais les détails de leurs déclarations demeurent absents. Aucune confrontation n’a été organisée entre les protagonistes principaux, empêchant ainsi toute clarification des faits. Cette absence de confrontation, essentielle dans toute enquête sérieuse, affaiblit la validité du rapport.

Une réunion constitutionnelle : La liberté de réunion remise en cause

L’ULCC a pointé du doigt une réunion tenue le 25 mai à la chambre 408 de l’Hôtel Oasis, suggérant un caractère suspect à cet événement. Cependant, l’article 31 de la Constitution haïtienne garantit la liberté de réunion. En tant qu’autorités administratives, les Conseillers Présidentiels de Transition (CPT) étaient en droit de se réunir pour discuter de la reconduction de M. Pierre Louis. Le rapport de l’ULCC qualifie cette réunion de “secrète”, une caractérisation qui semble être une tentative de manipulation des faits pour affaiblir les CPT.

Les déclarations de Raoul Pierre Louis : Un manque de preuves tangibles

Les accusations de M. Raoul Pierre Louis, notamment concernant une demande de 100 millions de gourdes pour sa reconduction à la BNC, reposent sur des déclarations verbales non corroborées par des preuves matérielles. L’ULCC s’appuie uniquement sur ces allégations consignées dans un procès-verbal douteux. Cela démontre une faiblesse dans la démarche de l’institution, qui se contente de relayer des informations non vérifiées.

Les cartes de crédit : Une analyse biaisée

Le rapport de l’ULCC accuse les membres du CPT d’avoir accepté des cartes de crédit en échange de la reconduction de M. Pierre Louis. Toutefois, l’octroi de cartes de crédit préapprouvées par la BNC n’engage en rien la responsabilité des CPT. Les procédures internes de la banque n’étant pas publiées, ces cartes ne sauraient être opposables aux bénéficiaires. De plus, l’analyse de l’ULCC sur le taux de change utilisé (90 gourdes pour un dollar au lieu du taux officiel de 131,42) révèle une tentative de manipulation mathématique pour accréditer une version des faits douteuse.

Un rapport juridiquement contestable

Les incohérences relevées dans le rapport de l’ULCC démontrent une approche biaisée et manquent de fondements juridiques solides. Les contradictions procédurales, l’utilisation de documents falsifiés et l’absence de preuves tangibles soulignent une volonté de nuire aux CPT. Il apparaît donc essentiel de remettre en question la validité des conclusions de ce rapport, qui ne respecte pas les bases élémentaires de l’instruction criminelle et semble motivé par des intérêts autres que la recherche de la vérité.

Auteur / autrice

  • Standard Mania constitue une équipe pluridisciplinaire et un journal en ligne publiant des actualités socioprofessionnelles en Haïti selon les principes et la déontologie du journalisme.

    Voir toutes les publications
Tagged