La PNH, une police de répression seulement contre manifestants et civils en Haïti ?

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Alors que les groupes de bandits armés prolifèrent comme de la mauvaise herbe en Haïti et gagnent beaucoup plus de territoires dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince, capitale d’Haïti, la Police Nationale d’Haïti (PNH) contenant une vingtaine d’unités spécialisées ne vaut presqu’à rien lorsque la population haïtienne en a le plus besoin. Car, avec une exécrable performance en matière de sécurisation et protection des civils haïtiens et étrangers, la Police Nationale d’Haïti est de nos jours perçue comme une police incapable de freiner les moindres groupes de bandits armés alors que cette même police est très efficace dans la répression des manifestants. Certains font croire que la police haïtienne n’est forte qu’en face des civils mais faibles devant le moindre bandit de seconde zone. Cette assertion est-elle vraie ? Quelles sont les différentes unités de la Police Nationale d’Haïti ? La faiblesse de la PNH est-elle le produit de la politique conservatrice haïtienne ? L’impuissance de cette police est-elle programmée par les gouvernements haïtiens ou occasionnée par la faillite de l’État d’Haïti ? Qu’est-ce qui explique que la PNH s’apparente à une police de répression seulement contre Manifestants et Civils en Haïti ?

La Police Nationale d’Haïti (PNH) est une police d’État. Elle est rattachée au ministère de la justice et de la sécurité publique. Les policiers qui la composent sont des fonctionnaires de l’État. Elle naît le 12 juin 1995, sous la présidence de Jean-Bertrand Aristide par application de la loi du 29 novembre 1994 portant création, organisation et fonctionnement de la Police nationale. En conditions normales, la police Nationale d’Haïti (PNH) devrait assurer la sécurité publique, la police judiciaire et le maintien de l’ordre sur l’ensemble du territoire de la République d’Haïti. Cette force de police civile emploie depuis sa création plus de 16 000 policiers assermentés mais beaucoup ont déserté. La PNH est placée sous les ordres d’un Directeur Général et possède une académie ayant pour mission de former les agents de police.

Quelles sont les différentes unités de la Police Nationale d’Haïti ?

Selon des statistiques, la Police Nationale d’Haïti (PNH) contient plus d’une vingtaine d’unités spécialisées en Haiti avec un effectif de 12 000 agents de police sur tout le territoire haïtien. Rappelant que certains agents de police ont déserté face à l’insécurité qu’ils devraient combattre et par rapport à la crise socioéconomique instable du pays. Pour mieux comprendre la situation qui prévaut en Haïti, la section suivante fait état de quelques-unes des unités spécialisées de la Police Nationale d’Haïti :

  • CIMO : Corps d’Intervention et de Maintien de l’Ordre – placé sous la tutelle de la Direction Centrale de la Police Administrative (DCPA).
  • UDMO : Unité Départementale de Maintien de l’Ordre – placée sous la tutelle de la Direction Départementale de Police dans laquelle elle est rattachée.
  • ÉPINES : Équipe Pénitentiaire d’Intervention et d’Escorte – placée sous la tutelle de la Direction Centrale de l’Administration Pénitenciaire (DCAP).
  • BOID : Brigade d’Opération et d’Intervention Départementale – placé sous la tutelle de la Direction Départementale de Police dans laquelle elle est rattachée.
  • USGPN (Palais National) : Unité de Sécurité Générale du Palais National – placée sous la tutelle de la Direction Générale de la Police Nationale d’Haïti (DGPNH) ou la Direction Centrale de la Police Administrative (DCPA).
  • CBIM : Corps des Brigades d’Intervention Motorisée – placé sous la tutelle de la Direction Centrale de la Police Administrative (DCPA).
  • GIPNH (SWAT Team) : Groupe d’Intervention de la Police Nationale d’Haïti – Placé sous le commandement direct du Commandant en chef de la Police Nationale d’Haïti.
  • BRI : Brigade de Recherche et d’Intervention – placée sous la tutelle de la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ).
  • BLTS : Brigade de Lutte Contre le Trafic de Stupéfiants – placée sous la tutelle de la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ).
  • USP (Palais National) : Unité de Sécurité Présidentielle – placée sous la tutelle de la Direction Générale de la Police Nationale d’Haïti (DGPNH) ou de la Direction Centrale de la Police Administrative (DCPA).
  • CAT TEAM (Palais National) : Counter-Ambushment Team = Unité Contre-Ambuscade) – placé sous la tutelle de la Direction Générale la Police Nationale d’Haïti (DGPNH) ou la Direction Centrale de la Police Administrative (DCPA).
  • POLITOUR : Police Touristique – placée sous la tutelle de la Direction Centrale de la Police Administrative (DCPA).
  • POLIFRONT : Police Frontalière – placée sous la tutelle de la Direction Centrale de la Police Administrative (DCPA).
  • Les Gardes-Côtes : Police Maritime Haïtienne – placée sous la tutelle de la Direction Centrale de la Police Administrative (DCPA).
  • ÉDUPOL : Police Éducative et Communautaire – placée sous la tutelle de la Direction Centrale de la Police Administrative (DCPA).
  • USGPM (Primature Haïtienne) : Unité de Sécurité Générale de la Primature – placée sous la tutelle de la Direction Centrale de la Police Administrative (DCPA).
  • BLVV : Brigade de Lutte Contre des Vols de Véhicule – placée sous la tutelle de la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ).
  • BAC : Bureau des Affaires Criminelles – placé sous la tutelle de la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ).
  • Police Scientifique – placée sous la tutelle de la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ).
  • CCE : Cellule Contre l’Enlèvement – placé sous la tutelle de la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ).
  • USGPL : Unité de Sécurité Générale du Palais Législatif – (en attente – pas encore de directive et de loi organique pour cette unité de Police législative).
  • POLICOM : Police Communale – (en attente – en pourpalers avec les autorités municipales et policières – prônée par la Fédération Nationale des Maires Haïtiens (FENAMH), dont le jeune et fougueux Maire Jude Édouard en est le président) – sera sous la tutelle de la Direction Centrale de la Police Administrative (DCPA).
  • Police Aérienne ou de l’Air (en attente – prévue par la constitution haïtienne) en construction – sera placée sous la tutelle de la Direction Centrale de la Police Administrative (DCPA).

Cette assertion d’impuissance de la police est-elle vraie ?

De cette question, il découle diverses questions secondaires, dont : La faiblesse de la PNH est-elle le produit de la politique conservatrice haïtienne ? L’impuissance de cette police est-elle programmée par les gouvernements haïtiens ou occasionnée par la faillite de l’État d’Haïti ? Qu’est-ce qui explique que la PNH s’apparente à une police de répression seulement contre Manifestants et Civils en Haïti ?

D’abord pour mieux comprendre la situation opposant la PNH face aux civils haïtiens, il faut noter que de heurts ont souvent opposé les forces de la Police Nationale d’Haïti (PNH) avec des manifestants et des civils en Haïti plus particulièrement dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince et du Cap-Haïtien. Selon les témoignages et observations, les forces de sécurité haïtiennes prennent naturellement l’habitude de tirer à balles réelles contre les manifestants, tuant parfois des personnes dont enfants et jeunes ne participant pas dans les manifestations. Des personnes sont tuées étant chez eux. Face à ce constat, des organisations de la société civile ont tantôt appelé les autorités haïtiennes à cesser l’usage excessif de la force contre les manifestants. Mais, le problème est plus profond, cette police très politisée et puissante surtout en face des civils était incapable d’empêcher ni de prévenir l’assassinat du dernier président d’Haïti, Jovenel Moïse, le 7 juillet 2021 à Pétionville lorsqu’un groupe d’haïtiens et étrangers armés attaquait son domicile. Il n’y a eu aucun rebondissement de cette police, pas même un tir et une intervention de cette police lors de ce crapuleux assassinat. L’opinion publique raconte que les policiers ont été tous corrompus pour ne pas compromettre l’assassinat de ce président de la république d’Haïti qui voulait attaquer le système d’exploitation mis en œuvre dans le pays.

Entre autres, plus récemment ce 25 juillet 2023, cette même force de police a attaqué des civils extrêmement paisibles qui s’abritaient devant l’ambassade des États-Unis d’Amérique, zone plus ou moins sûre au niveau sécuritaire face à la prolifération des groupes armés et au kidnapping dans la métropole de Port-au-Prince. Malheureusement, des agents de la police ont tiré des bombonnes de gaz à lacrymogènes sur ces paisibles citoyens en détresse, lesquels tirs ont provoqué des blessés et des asphyxies d’enfants. Par ailleurs, lors des évènements de 2003 qui ont précédé aux renversements du président Jean Bertrand Aristide, cette police était incapable de freiner les agissements des bandits notoires de l’époque connus sous le nom de chimères. La PNH ne pouvait pas concurrencer la bande militaire à Guy Philippe du Nord à l’Ouest. Le pis de cela, les membres des différentes unités de cette police font aussi partie du peuple et des gens vivant dans une pauvreté déguisée en Haïti, mais préfèrent protéger le statut quo au lieu de défendre le pays en faisant ce qui est juste et utile au développement du pays et à la sécurité publique de la population.

Pour la petite histoire, Amnesty International rappelle que l’usage de la force lors du maintien de l’ordre doit être strictement nécessaire et proportionnel, et que l’utilisation des armes à feu est interdite sauf en cas de danger imminent de mort ou blessure grave.

De nos jours, il n’existe aucune volonté politique réelle pour combattre l’insécurité en Haïti. Depuis deux décennies, les agents de l’institution policière sont devenus la cible d’attaques fréquentes de bandits. armés. Jusqu’à présent, la PNH n’est pas consciente de ce problème. 6 policiers ont été tués, en octobre 2017, en moins d’un mois. Durant l’année 2017, plus de 418 personnes sont mortes, dont 330 par balles, parmi elles 15 agents de la PNH souligne un bilan de la Commission épiscopale justice et paix (CE-JILAP). 54 policiers nationaux ont été assassinés durant l’année 2022 en Haïti selon un décompte du Synapoha. Plus policiers sont tués par des bandits alors qu’ils étaient en opération policière. La police n’a même pas assuré leur sauvetage.

Les questions qui se posent restent les mêmes et sans réponses ici mais la population haïtienne formule des hypothèses sur les réseaux sociaux. La faiblesse de la PNH est-elle le produit de la politique conservatrice haïtienne ? L’impuissance de cette police est-elle programmée par les gouvernements haïtiens ou occasionnée par la faillite de l’État d’Haïti ? Qu’est-ce qui explique que la PNH s’apparente à une police de répression seulement contre Manifestants et Civils en Haïti ?

Par rapport à ces questionnements,certains vont jusqu’à souligner que le type d’opération qu’effectue la police d’Haïti ne concorde pas à la situation. Car, la PNH procède naturellement via des opérations de ” Coup de poing ” qui se traduisent en des attaques spontanées sans rester pour longtemps dans la zone du danger. En faisant de telles opérations spontanées et conjoncturelles, la PNH laisse le plus souvent beaucoup plus de cahots dans la zone de mission relatent certains spécialistes. De préférence, la PNH devrait effectuer des opérations de ” Prise de position ” qui consistent en des attaques et prises de position dans la zone d’opération afin d’éliminer tout potentiel cible.

Bien qu’avec avec toutes ces forces spécialisées, la PNH se ressemble à une force militaire, il faut admettre que le type d’opération dont certaines zones métropolitaines en ont besoin est purement militaire, mais la police n’est pas habilitée et à faire ce type d’opération.

Si sous le régime duvaliériste, il existait une force répressive en Haïti qui comptait 14 000 membres, de nos jours, la police haïtienne ne fait pas le contraire en termes de pratiques répressives contre civils. Le pis dans tout cela, elle n’est pas même capable de combattre la prolifération des groupes de bandits armés. Plus loin, des bandits notoires que connaît Haïti sont des agents de police qui ont déserté et se convertissent en kidnappeurs, chefs de groupes de bandits armés, agents de spoliation, fauteurs de troubles.

Comme bon nombre l’imagine, le discours pseudo nationaliste se désavoue lui-même face à la réalité d’aujourd’hui, étant incapable d’expliquer la possibilité de cette police de se montrer à la hauteur face à l’insécurité généralisée et/ou programmée dans le pays. L’assassinat répété des policiers, devenus la proie facile des bandits, met à nu l’incapacité de cette Police de contrecarrer les bandes de criminels qui opèrent dans le pays, mais surtout consacre l’échec de la PNH dans sa mission de protéger et servir. Alors que les bandits sont en train de tuer violemment des agents de la PNH, la police devant éliminer les obstacles ne fait que manifester contre l’insécurité qu’elle devrait éradiquer. Plus que jamais, la situation du pays nécessite une coopération militaire d’urgence, en attendant que le problème de sécurité soit abordé dans ses multiples facettes.

Même si on admet que la police fait face à d’innombrables problèmes d’ordre structurel et logistique, elle nécessite une réforme ou/et un renforcement profond. Néanmoins, la Police Nationale d’Haïti s’imagine tellement impuissante de nos jours, de grandes opérations n’ont pas été faites dans les zones où se sont logés les groupes de bandits armés. De là, la population haïtienne déduit ce comportement comme une lâcheté et un manque de patriotisme malgré tous les problèmes auxquels la PNH fait face. Plus loin, si la PNH n’est pas efficace en face des bandits, on ne peut pas dire qu’elle est inefficace à tous les points de vue, car, cette même police revêt une super héroïne en face des manifestants et civils paisibles. 

En conséquences, il serait de bon ton qu’il y ait une réforme profonde de la police nationale haïtienne afin de corréler ses résultats aux attentes du peuple haïtien tout en promouvant l’État de droit et en facilitant l’atteinte des objectifs de la PNH étant de servir et protéger la population d’Haïti. 

ÉDITEUR / ÉDITRICE

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Marc-Donald VINCENT
Marc-Donald Vincent est spécialiste en gestion de projets. Il a obtenu un baccalauréat en sciences agricoles en 2016, un diplôme d’études supérieures spécialisées (D.E.S.S.) en gestion des projets d'architecture et d'aménagement en 2020 et une maîtrise (M.Sc.A) en gestion de projets en 2021. Après son stage de recherche à Polytechnique Montréal, il poursuit sa recherche doctorale en sciences de la gestion en Haïti.
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